Electrosensibles: "Cela devient compliqué de trouver une zone blanche, sans exposition aux ondes"

Une antenne-relai à Toulouse - PASCAL PAVANI / AFP
Sophie, membre de l'association Priartem, et porte-parole des électro-sensibles de France, se déclare électro-sensible. Elle s'alarme du coup de pression mis sur les opérateurs par le gendarme des télécoms, l'Arcep, qui publie une carte détaillée de la qualité de leur réseau mobile.
"On voit que l'Arcep tape sur les opérateurs pour améliorer la qualité de leur couverture. A regarder la carte, cela devient compliqué de trouver une zone où il n'y a pas d'exposition aux ondes. De plus en plus, où que l'on soit, il y a des antennes de télévision, des antennes militaires, des voisins qui mettent le Wi-Fi, ou ce bon vieux téléphone sans fil qu'a quasiment tout le monde et qui émet en permanence une balise…
"J'ai fait une crise d'électro-sensibilité"
Personnellement, j'ai eu mes premiers symptômes à l'automne 2010. Je travaillais à la tour Montparnasse à Paris, suffisamment haut pour me prendre les ondes qui venaient de la tour Eiffel et tout ce qu'il y a autour. Un beau cocktail, et j'ai donc fait une crise d'électro-sensibilité. J'ai rapidement fait le lien avec les ondes électromagnétiques.
Il y a eu des signes avant-coureurs: des réveils très brutaux en pleine nuit, quasiment toutes pendant près de deux mois. J'étais super fatiguée, j'avais des troubles cognitifs, je perdais la mémoire, mon coeur commençait aussi à souffrir de tachycardie. Ca s'est atténué, c'est reparti de plus belle en 2011… J'ai pu, par différentes expériences cocasses et désagréables, me rendre compte que c'était lié aux téléphones. Cela a un impact sur l'activité électrique du cerveau et cela se voit sur l'électro-encéphalogramme.
"Il y a un point de fixation dans la Drôme "
Une fois atteints, les gens n'arrivent pas à aller mieux. Ils ne récupèrent plus la nuit, ne trouvent plus le sommeil. Les plus électrosensibles sont en déshérences, trouvent un petit coin au fin fond d'une vallée où il n'y a pas grand monde. Ou portent des vêtements avec des tissus protecteur, en coton avec du métal à l'intérieur. Certains sont partis sur les routes, dans un vieux van…
Il existe un point de fixation dans la Drôme. Des initiatives locales y ont été menées pour qu'on y trouve des camping, des regroupements. Il y en a aussi dans les Pyrénées. C'est du grand bricolage. Souvent, quand ils trouvent un endroit où ils ne sont pas trop mal, ils en sont toujours chassés, car on leur met un projet de couverture réseau du village.
"5G, compteurs Linky... Les risques empirent"
Alors qu'une loi nous dit qu'on doit aller vers une sobriété électromagnétique, on nous annonce la 5G, la couverture de zones entière de Wi-Fi par satellite, qu'on pourra recharger nos appareils mobiles sans fil, des compteurs intelligents dans tous les foyers…
Le fait que les quatre opérateurs téléphoniques doivent fonctionner parfaitement bien sur 99% du territoire, ça ne fait qu'augmenter l'exposition tout le temps.
Certaines zones aggravent les risques. Plus on en met partout, plus on multiplie les fréquences, la précocité des expositions, plus les risques empirent. Les enfants sont exposés in-utero. Et avec le développement de l'internet des objets, les frigos qui vont parler avec votre compteur Linky, ça va multiplier les signaux et les modulations d'ondes dans l'air.
"Cette pollution est invisible"
L'Agence sanitaire française a expliqué que les normes actuelles n'étaient pas protectrices pour les enfants, en matière de cognition et de bien-être. L'OMS dit que c'est un cancérigène possible. Cette pollution est invisible. Si on voyait un gros nuage de gazole partout, les gens réagiraient. Seuls les malheureux devenus hypersensibles le perçoivent.
Il y a néanmoins de plus en plus de littérature sur le sujet. De plus en plus de personnes connaissent un collègue ou un proche qui est touché. Cela devient plus sensible au niveau grand public. On a des gens n'étaient pas électro-sensibles la veille et qui se découvrent. Mais l'électro-sensibilité n'est que la pointe de l'iceberg d'une situation sanitaire plus large.
"La disparition des zones blanches est inquiétant"
Il y a énormément d'électro-sensibles à Paris. Ils survivent parce qu'ils ne sont pas les plus sensibles. Certains habitent dans un fond de cour, et alors tel mur ou tel immeuble fait écran. D'autres ont mis leurs box en filaire, et leurs voisins aussi, ou bien ont mis des rideaux pour se protéger.
La disparition progressive des zones blanches est inquiétant. Certains EHS ne peuvent pas vivre, même avec une faible exposition. C'est un problème de santé publique qui touche des personnes vulnérables.
Et plutôt que d'aller faire de la radio, de la TNT, on mettait plus de fibre? Nous demandons l'application de la loi de sobriété électromagnétique et le principe de précautions. N'utilisons les ondes que quand on en a besoin et quand on n'a pas le choix. Est-ce vraiment utile de recevoir des ondes même au 2e sous-sol?"