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Eva Joly doit prendre les commandes !

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, tous les matins à 8h20 sur RMC.

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Le PS et les Verts ont finalement signé un accord politique mais c’est Eva Joly qui en a pris ombrage. La candidate a annulé ses interventions publiques et devrait boycotter le conseil fédéral d’EELV samedi. Mais Eva Joly doit prendre les commandes !

Ce n’est pas un conseil ; c’est une évidence politique qui s’impose d’elle-même. Eva Joly peut être considérée comme le dindon de cette mauvaise farce qu’ont jouée le PS et les Verts autour de leur étrange plate-forme électorale. Elle avait exigé un engagement sur la sortie du nucléaire et l’arrêt du réacteur de Flamanville, elle a même fixé un ultimatum – et à l’arrivée, ses amis signent un texte qui dit à peu près l’inverse. Elle a de quoi se sentir humiliée. Et chez les écologistes, quand on est fâché, on boude – D. Cohn-Bendit le fait souvent. Donc elle déprime, elle s’éloigne. Mais si elle veut garder de l’autorité, elle doit non pas prendre ses distances mais prendre les commandes. Elle ne doit pas prendre son parti de ce qui vient de se passer, mais prendre son parti tout court ; s’imposer. Ne plus être seulement la candidate, mais la patronne des Verts.

Doit-elle faire un coup d’Etat au sein de son parti ?

Elle n’a pas le choix – et ce serait légitime. C’est le système particulier de notre élection présidentielle : le candidat à l’Elysée doit avoir autorité sur son parti. Ce n’est pas une condition suffisante pour gagner, mais nécessaire. Eva Joly n’a pas été choisie par un appareil, elle a été désignée par une primaire. Pas aussi large que la primaire socialiste, mais un vote quand-même et elle l’a gagné. Ça lui donne une force et un statut puisque c’est elle qui porte les idées écologistes devant les Français. Les autres partis aussi comme cela : à droite, c’est le chef du parti qui est candidat ; et au PS, F. Hollande a acquis un leadership de fait en remportant la primaire. Et tout le monde sait qu’il se sentira de moins en moins tenu par le projet socialiste…

Est-ce que Eva Joly peut réussir à s’imposer aux écologistes ? Est-ce que son manque d’expérience n’est pas un handicap trop lourd ?

C’est vrai que c’est une candidate en herbe mais ça ne la prédispose pas forcément à être une femme de paille. C’est une battante, une femme sincère, honnête – et comme elle est parfois assez raide, il arrive qu’on prenne son intégrité pour de l’intégrisme. Le seul moyen qui s’offre à elle, c’est l’épreuve de force. Ce qui serait logique, ce serait qu’elle refuse de transiger, qu’elle maintienne son refus du nucléaire, qu’elle proclame donc que l’accord signé avec le PS ne l’engage pas – et qu’elle se présente toujours comme la candidate de la sortie du nucléaire. Les Verts sont de toute façon obligés de la soutenir.

L’accord finalement signé entre les Verts et le PS est-il une bonne opération pour F. Hollande ?

Arithmétiquement, c’est surtout un bon accord pour les Verts. Ils obtiennent du PS 60 circonscriptions législatives. Politiquement, c’est meilleur pour F. Hollande : il n’est pas question d’un arrêt du nucléaire ni de l’abandon de l’EPR de Flamanville. Les écologistes ont donc sacrifié leur conviction essentielle à leurs ambitions électorales. En fait, l’ensemble surtout donne une impression aussi nébuleuse qu’un nuage de radioactivité politicienne. Il reste à Eva Joly à montrer si elle est capable de ne pas se laisser contaminer. 

Hervé Gattegno