Faut-il permettre aux femmes de programmer leur grossesse en congelant leurs ovocytes?
Après trois mois de débats, c'est la fin de la consultation citoyenne, première étape des états généraux de la bioéthique. Neuf thèmes avaient été retenus, des cellules souches à l'intelligence artificielle en passant par les neurosciences. Deux thèmes ont surtout retenu l'attention des participants: la fin de vie et la procréation médicalement assistée.
C'est d'ailleurs, ce dernier point, et notamment la congélation des ovocytes qui fait, aujourd'hui, débat. Cette pratique, déjà autorisée en France, mais uniquement pour raison médicale, pourrait se démocratiser.
Actuellement, la congélation d'ovocytes est uniquement utilisée pour préserver la fertilité de jeunes femmes souffrant de maladies graves comme le cancer du sein, de l’utérus ou encore des femmes menacées de ménopause précoce. L’idée débattue lors des états généraux de la bioéthique est ainsi d’ouvrir la procédure à toutes les femmes. Autrement dit, permettre de différer les grossesses y compris pour les femmes qui sont en bonne santé.
Combien ça coûte?
Plusieurs pays l’autorisent déjà: les Etats-Unis, la Suisse, l’Espagne, l’Italie, la Belgique ou encore la Grande-Bretagne. D’ailleurs, les Françaises sont de plus en plus nombreuses à se rendre à l’étranger pour congeler leurs ovocytes. Moyennant 3.000 euros et un traitement hormonal préalable, il suffit de quelques interventions pour recueillir le nombre d’ovocytes nécessaires. Ils sont ensuite congelés, ou plutôt vitrifiés, et sont disponibles pour être inséminés parfois des années plus tard.
Aujourd’hui, 5% des accouchements concernent des mères de plus de 40 ans, rappelle le docteur Pierre Zitoune, spécialiste de la médecine de reproduction à Paris: "Souvent, on stigmatise ces femmes, comme capricieuses, qui veulent repousser, à des âges très avancés, leur grossesse. Moi, j'appelle cela "ouvrir un plan d'épargne en ovocytes": se donner une petite assurance, selon les moyens que l'on a. Permettre de le faire en France, cela signifierait premièrement que ce soit moins coûteux. Je pense que cette activité devrait être réglementée, encadrée, surtout dans l'utilisation future qui serait faite des ces ovocytes congelés, et également pour les coûts soient maîtrisés car aujourd'hui, on voit bien que c'est extrêmement coûteux pour les patientes".
Avis de "prudence"
C’est aussi pour cette raison que l’Académie de médecine s’est déclarée favorable à la congélation des ovocytes en France pour toutes les femmes.
Mais la question fait débat dans le milieu médical. Le comité consultatif national d’éthique, celui-là même qui organise les états généraux de la bioéthique, a émis un avis de prudence sur le sujet. Il pointe le caractère contraignant des stimulations ovariennes, de l’anesthésie générale, des ponctions ovariennes que cela induit. Il rappelle aussi que de lourdes complications ont été observées chez 1% des patientes.
Et surtout, il met l’accent sur les risques de pression qui pourraient émaner du milieu professionnel. "Privilégie ta carrière, congèle tes ovocytes": c’est en substance ce que dit déjà Google à ses employées. Le géant du Web américain prend en charge le coût de la congélation pour ses salariées.