Gravement malade, un médecin retraité demande l'interdiction des pulvérisations de pesticides près des maisons

Edmond Leduc vit à Roncq, tout près de Lille, dans un lotissement entouré de parcelles agricoles. Au bout de son terrain : des champs de pommes de terre et de maïs. Ces dernières années, il a subi les conséquences de plusieurs épandages de produits phytosanitaires. En 2014, 2016 et 2021. A chaque fois, il fait venir des huissiers pour constater les dégâts dans son jardin. Il fait également réaliser des analyses qui prouvent la contamination par de nombreux pesticides : des herbicides et fongicides. En 2018 la justice reconnait même les dégâts causés par les épandages, et condamne l'agriculteur à le rembourser pour les frais engendrés...Une petite victoire, mais deux mois plus tard, ce médecin retraité apprend qu'il souffre d'un cancer des ganglions...
"Quand on m’a appris que j’avais un lymphome malin non hodgkinien, je me suis rendu compte que cette pathologie était directement liée aux pesticides et qu’elle touchait en particulier beaucoup les agriculteurs, raconte Edmond Leduc à RMC. Elle est d’ailleurs reconnue en tant que maladie professionnelle chez les agriculteurs. Ce qui surprend le plus après les épandages, c’est le silence absolu. On n’entend plus un gazouillis d’oiseau. Cette année, j’ai retrouvé des oisillons morts dans leurs nids."
Edmond Leduc est convaincu d'un lien entre son cancer et les épandages de pesticides. C’est sa conviction de médecin. Il s’appuie sur une expertise de l’Inserm, un organisme de recherche public, selon lequel il existe "une présomption forte de lien entre l’exposition aux pesticides et les lymphomes non hodgkiniens", le type de cancer dont il souffre. Le médecin a prévenu les autorités : la préfecture et l'agence régionale de santé, dès 2014. Il a aussi créé un collectif de victimes des pesticides des Hauts-de-France. Mais aujourd'hui, il veut être entendu au sommet de l'Etat, car ce n'est pas l'agriculteur qui est dans son viseur. Un agriculteur "qui ne fait que respecter la loi". Ce que vise Edmond Leduc, c'est justement la loi qui selon lui ne protège pas les riverains des zones agricoles.
Depuis 2019, la loi interdit les pulvérisations de produits phytosanitaires à moins de cinq mètres des habitations pour les cultures basses comme les champs de blé, de maïs, dix mètres pour les cultures hautes comme la vigne. L'agriculteur près de chez Edmond Leduc respecte ces distances. Et pourtant, le jardin du médecin a de nouveau été contaminé en 2021, lors du dernier épandage. Ces distances minimales ne seraient donc pas suffisantes. C'est aussi ce que pensent le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat. Ils ont demandé au gouvernement de prendre des mesures pour mieux protéger les riverains des pesticides les plus dangereux dans un délai de six mois. Mais aujourd'hui, rien de concret.
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Bientôt des sites internet pour prévenir les riverains des épandages
Invitée sur RMC et BFMTV ce mardi matin, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili a réagi. Elle annonce la mise en place de sites internet pour informer les citoyens.
"Arrêtons de dire que tous les produits se valent. Il y a des produits qui sont plus dangereux que d'autres, tout le monde le sait. L'Anses va regarder sur chaque produit s'il est dangereux ou pas, et auquel cas on réévalue les distances. Ce que je veux, c'est que ce soit la science qui résolve ce problème, c'est-à-dire que l'Anses nous dise ‘là c'est dangereux donc il faut aller plus loin sur les zones d'épandages’, ‘là ça passe et donc on laisse comme ça’. Pour les épandages, il va y avoir des sites internet où on va pouvoir avoir les informations. Je sais plus jusqu'à quel niveau de détails, s'il y aura les heures et les jours, il faut voir avec Julien Denormandie (le ministre de l'Agriculture) mais en tout cas il y aura des informations. Nos concitoyens ont le droit d'avoir toutes les informations possibles."
Une déclaration saluée par l'association de défense de l'environnement Génération Futures, contactée par RMC : "Nous nous réjouissons des déclarations de Barbara Pompili concernant l'accès à l'information des riverains qui ont le droit de savoir quels produits sont ou seront épandus à proximité des zones d'habitation, et quand, car actuellement ces informations font défaut et ne permettent pas aux riverains de se protéger efficacement des dangers des pesticides".
Concernant les zones non traitées, l'association "exhorte le gouvernement à prendre en compte la décision du Conseil d'Etat en appliquant des zones de non traitement de dix mètres pour les produits cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques possibles". Pour l'instant, le gouvernement a répondu au Conseil d'Etat par deux projets de texte, qui renvoient la question des distances de sécurité à une nouvelle expertise de l'Anses, l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, qui interviendra après l'élection présidentielle. Insuffisant pour Générations Futures, qui envisage de déposer prochainement des recours juridiques avec d'autres associations contre ces textes en cours de consultation publique.