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Halim Abdlemalek, ex-assigné à résidence: "On veut être blanchi par l'Etat"

Ce vendredi, RMC donne la parole à des anciens assignés à résidence. (Photo d'illustration)

Ce vendredi, RMC donne la parole à des anciens assignés à résidence. (Photo d'illustration) - AFP

TÉMOIGNAGES - Moins de 100 assignations à résidence sur 274 seront renouvelées ce vendredi. Et pour cause: certaines ont déjà été annulées par le Conseil d'État, d'autres abrogées par le ministère de l'Intérieur avant même d'arriver devant le Conseil d'État. Ce vendredi, RMC donne la parole à ceux qui ont été assignés "à tort".

La première période de l'état d'urgence prend fin ce vendredi. Une prolongation de trois mois a déjà été votée, jusqu'au 26 mai donc. En attendant, l'état d'urgence a permis de mener près de 3400 perquisitions, des saisies d'armes, mais aussi de prononcer des centaines d'assignations à résidence.

Sur les 274 personnes encore assignées à résidence, moins de 100 seront renouvelées ce vendredi. Des assignations à résidence, dont certaines ont déjà été annulées par le Conseil d'État, d'autres abrogées par le ministère de l'Intérieur avant même d'arriver devant le Conseil d'État.

C'est dans ce contexte que cinq anciens assignés à résidence, de confession musulmane, portent plainte contre le ministre de l'Intérieur. Ils ont entre 30 et 50 ans, et ils estiment que leurs assignations à résidence constituent une atteinte aux libertés individuelles.

"J'ai perdu mon travail"

Ce vendredi, RMC leur donne la parole. A commencer par Issa, dont l'assignation à résidence d'Issa vient d'être abrogée. Elle avait commencé le 4 décembre. Il porte plainte pour diffamation contre le ministre de l'Intérieur, même s'il ne fait pas partie des cinq personnes qui portent plainte pour atteinte aux libertés individuelles. Il le raconte, sur notre antenne: cette assignation a fait basculer sa vie.

"Ils ont bafoué l'honneur, ils ont bafoué des droits", s'émeut-il. "J'étais contraint de rester à la maison, à Thonon-les-Bains. J'ai perdu mon travail. Mon patron m'a dit: 'je ne peux rien faire pour toi, je suis désolé'. Le regard des voisins, des gens, ça pèse. Ma femme, psychologiquement, ça l'a quand même touchée. Et moi aussi. J'ai trois enfants. La perquisition, kalachnikov, cagoulés… : les enfants, qui ont trois et dix ans, qui voient ça… C'est trop dur! C'est inapproprié!"

"On va réclamer des comptes à l'Etat"

Maître Bruno Vinay, l'avocat d'Issa, explique que cette assignation "abusive" a "brisé la vie" de son client:

"Cette assignation à résidence avait été prise sur la base d'une dénonciation calomnieuse, sur un simple soupçon et sur le fait que Issa est musulman, et accusé, à tort, de radicalisme religieux", dénonce-t-il. "C'est une privation de liberté totalement abusive, et ça a brisé sa vie. Sa mère, qui habite dans une commune différente de la sienne, ne l'a pas vu depuis trois mois. Elle est alitée, elle ne peut pas se déplacer. Il a perdu son travail, il a dépensé beaucoup d'argent pour pouvoir se défendre, et on va, aujourd'hui, réclamer des comptes à l'Etat".

"Les ministres doivent rendre compte de leurs actes"

Pour l'avocat de la Ligue des droits de l'homme (LDH), Maître Michel Tubiana, les responsables politiques comme Bernard Cazeneuve doivent répondre de leurs décisions:

"Ces assignations à résidence ont été prononcées, puis abrogées, à l'initiative du ministère de l'Intérieur. En clair, ça veut dire qu'on prend une assignation à résidence sur des motifs, qu'une procédure est intentée pour contester ces assignations à résidence, et notre ministre de l'Intérieur découvre que les motifs qu'il a mis en avant sont faux. C’est-à-dire qu'il a exercé un arbitraire. Il n'y a pas de raison, dans un Etat de droit, qu'un ministre bénéficie d'une quelconque impunité. Ils doivent rendre compte de leurs actes", développe-t-il sur RMC.

"On est accusés, à tort, d'être des terroristes"

Halim Abdlemalek, lui, a vu son assignation à résidence cassée par le Conseil d'État le mois dernier, mais il a choisi de ne pas déposer de plainte. Depuis, il a créé un mouvement autour de la page Facebook "Paroles d'assignés à résidence" pour aider ceux qui traversent la même épreuve.

"On est accusés, à tort, d'être des futurs terroristes", déplore-t-il. "On n'a les mêmes contraintes: on pointe au commissariat, on ne peut plus sortir de notre résidence à partir d'une certaine heure, le soir, il y a un couvre-feu. Tous comme on est. Et on nous humilie encore plus de ça, parce que tous comme on est, quand on lancé un recours au tribunal administratif, on a tous eu le même rejet. On attend une responsabilité, on attend une reconnaissance de l'Etat. On veut être blanchi par l'Etat. On veut que l'Etat dise, aux yeux de la France entière: 'oui, c'est une erreur et maintenant, nous l'assumons, nous allons réparer les dégâts causés'".
C. P. avec Marie Dupin