Hollande a les mains libres pour affronter la crise

François Hollande a désormais les mains totalement libres après des élections législatives françaises qui ont donné dimanche au Parti socialiste une majorité absolue à l'Assemblée nationale et plongé la droite dans les affres de la recomposition. /Photo p - -
François Hollande a désormais les mains totalement libres après des élections législatives françaises qui ont donné dimanche au Parti socialiste une majorité absolue à l'Assemblée nationale et plongé la droite dans les affres de la recomposition. Sur le plan national, le président français pourra y puiser des marges de manoeuvre supplémentaires pour adapter la mise en oeuvre de son programme présidentiel aux contraintes économiques européennes et internationales.
A l'extérieur, il pourra se prévaloir d'une majorité inédite en France depuis les années 1980 face à une chancelière allemande, Angela Merkel, qui va à son tour entrer en année électorale, pour tenter de réorienter la politique européenne. "La victoire du PS lui donne un surcroît de légitimité sur le plan européen pour faire bouger l'Allemagne et des marges de manoeuvre en France pour adapter ses promesses électorales aux contraintes européennes", résume Stéphane Rozès, président de la société de conseil CAP. Les législatives grecques, qui avaient aussi lieu dimanche et ont donné la victoire aux conservateurs favorables aux mesures d'austérité imposées par les créanciers d'Athènes pour maintenir la Grèce dans l'euro, sont venus rappeler ce contexte.
Les nouveaux dirigeants français, engagés dans un bras de fer avec Angela Merkel pour faire progresser l'idée d'un pacte de croissance européen et celle d'une mutualisation des dettes des pays de l'euro, se sont abstenus de tout triomphalisme. Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a donné le ton. "Rien ne sera facile, rien ne nous sera donné, la situation est difficile", a-t-il déclaré dimanche soir. Il a évoqué les "efforts" à faire, certes "justement répartis" mais qui nécessiteront "la contribution de tous".
"Le PS n'aura pas d'excuse en cas d'échec"
Le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, a pour sa part promis que les engagements pris par la France en matière de réduction des déficits publics seraient tenus, même s'il a pris soin de répéter que ce serait "sans politique d'austérité". Des engagements dont la plupart des analystes estiment qu'ils ne pourront être tenus sans augmentation des impôts. Tous les dirigeants socialistes ont souligné que leur victoire leur imposait plus que jamais un "devoir de réussir", selon la formule de la première secrétaire du PS, Martine Aubry.
"Le PS n'aura pas d'excuse en cas d'échec", souligne Gaël Sliman, de l'institut de sondage BVA. Les socialistes français ont désormais la présidence de la République, le gouvernement, la majorité absolue à l'Assemblée, le Sénat, la presque totalité des régions et la majorité des départements - une configuration inédite sous la Ve République. Il ne leur manque, sous réserve d'inventaire après les résultats définitifs des législatives, pour contrôler la totalité des leviers du pouvoir, que la majorité des trois cinquièmes au Parlement réuni en congrès. Pour Gaël Sliman, François Hollande et le PS font néanmoins carton plein. La gauche n'a jamais eu autant d'élus à l'Assemblée, même en 1981 quand le PS avait seul la majorité absolue.
Les Verts en passe d'avoir un groupe
Le Front de gauche, qui inclut le parti communiste, perd la moitié de ses forces, est contraint de mendier l'abaissement à 10 du nombre d'élus nécessaires à la constitution d'un groupe parlementaire et voit son pouvoir d'influence limité. Les Verts sont certes en passe d'avoir un groupe, grâce à l'accord électoral avantageux qu'ils ont passé avec le PS, mais celui-ci peut se passer d'eux faire voter des lois. La défaite de l'ex-compagne de François Hollande, Ségolène Royal, qui briguait la présidence de l'Assemblée mais a été battue par un dissident à La Rochelle, pourrait s'avérer paradoxalement une bonne chose pour le chef de l'Etat. "Il n'aura plus le caillou Ségolène Royal dans sa chaussure", souligne Gaël Sliman.
A droite, une stratégie contre-productive
Quant à la défaite du président du MoDem, François Bayrou, dont le parti sauve néanmoins trois sièges, "elle permet au PS de poursuivre son OPA sur le centre", ajoute cet analyste. A droite, la stratégie "ni front républicain, ni accord avec le Front national" a été totalement contre-productive et, selon Gaël Sliman, a même accentué une défaite d'autant plus patente qu'elle se solde par le retour à l'Assemblée de l'extrême-droite avec trois députés dont deux élus FN. C'est ainsi Marion Maréchal-Le Pen, nièce de la présidente du FN, Marine Le Pen, qui sera la benjamine de l'Assemblée. Des personnalités emblématiques de la droitisation de l'UMP, comme les ex-ministres sarkozystes Claude Guéant et Nadine Morano et la députée sortante Valérie Rosso-Debord, ont chuté. Un sort partagé par l'emblématique ancienne ministre chiraquienne Michèle Alliot-Marie.
"C'est une défaite nette pour l'UMP", a reconnu l'ex-ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, opposant notoire à la stratégie du "ni-ni", dont le secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé avait été un des promoteurs."Je crois que dans le cadre de la préparation de notre futur congrès, une réflexion de fond est indispensable sur ce qui nous rassemble, sur le socle de nos valeurs et sur notre projet commun", a ajouté le maire de Bordeaux, dans ce qui ressemble fort à l'annonce de débats houleux à l'UMP.