Hollande veut en finir avec l'"hyperprésidence"

Dans la cour du palais de l'Elysée. L'élection de François Hollande avec 51,62% des voix devrait signer la fin de "l'Etat UMP" de Nicolas Sarkozy, du Premier ministre "collaborateur", comme le président sortant avait qualifié un jour François Fillon, et l - -
Adieu "l'hyperprésidence", place à une présidence "normale", respectueuse des institutions, où chaque membre de l'exécutif sera dans son rôle, avec à sa tête le chef d'un Etat, non d'un parti : telle est la promesse faite par François Hollande pour son quinquennat. L'élection du nouveau président avec 51,62% des voix devrait signer la fin de "l'Etat UMP" de Nicolas Sarkozy, du Premier ministre "collaborateur", comme le président sortant avait qualifié un jour François Fillon, et la disparition des réunions de parlementaires de la majorité à l'Elysée, explique-t-on dans le camp du président élu. "L'Etat, ce ne sera plus l'Etat UMP, mais ce ne sera pas davantage l'Etat PS. L'Etat c'est l'Etat, c'est la propriété de tous les citoyens et je leur rendrai cette justice et ce droit", déclarait le 3 mars à Dijon le candidat François Hollande lors d'un discours sur l'exemplarité de l'Etat.
Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, le président élu veut marquer une rupture avec le quinquennat finissant et un retour au respect à la lettre des institutions de la Ve République. "On va revenir à une pratique du pouvoir dans laquelle le président de la République préside aux destinées de la France, fixe le cap de l'orientation gouvernementale, défend les intérêts de la France sur la scène internationale, imprime sa marque et s'engage", résume la député socialiste Delphine Batho. "Cela ne veut pas dire être un président en retrait mais où le gouvernement gouverne, où le Premier ministre est le chef de la majorité parlementaire, où le Parlement a toute sa place dans l'élaboration de la loi, où la justice n'est pas orientée depuis le palais de l'Elysée, où la presse est respectée".
"Ce sera un président moderne"
Pour Mariette Sineau, chercheur en sciences politiques, le nouveau président prendra toute sa place dans ce schéma. "François Hollande veut un retour strict à l'esprit des institutions de la Ve République, qui donne d'immenses pouvoirs au président de la République", a-t-elle dit à Reuters. "Pas question pour lui d'y renoncer : il exercera pleinement la conduite des affaires européennes et étrangères, ce que le général de Gaulle appelait 'le domaine réservé'". La politologue attend du nouveau président qu'il mette fin "à un certain nombre de dérives qui diminuaient la hauteur de fonction présidentielle comme les réunions de parlementaires UMP à l'Elysée, qui avaient quelque chose de détestable car on ne savait plus si Nicolas Sarkozy était le chef d'un parti ou le président de tous les Français".
Pour le député Bernard Cazeneuve, porte-parole de François Hollande pendant la campagne, le nouveau président "a une conscience très forte de l'exercice de l'Etat". "Ce n'est pas une posture, c'est un tempérament", assure l'élu. "François Hollande sera jugé très vite sur ses actions car la situation est grave, mais ce sera un président moderne". Le respect de l'indépendance de la justice et celui de la presse font aussi partie de la conception annoncée du pouvoir du nouveau chef de l'Etat, qui rendra compte de son action en conférence de presse tous les six mois. Outre le respect des textes existants, son projet prévoit une réforme institutionnelle - préparée en 2012 et sans doute votée en 2013 - prévoyant le renforcement des pouvoirs du Parlement et de l'indépendance de la justice, la réforme du statut pénal du chef de l'Etat, le non-cumul des mandats et le droit de vote des étrangers aux scrutins locaux.
Dynamique pour les législatives
En attendant, l'élection de François Hollande doit être validée par des législatives, les 10 et 17 juin. La droite défaite a d'ores et déjà mis en garde contre le danger d'une gauche hégémonique majoritaire à l'Assemblée nationale et au Sénat, en plus d'être à la tête de la plupart des régions et collectivités locales. "Si François Hollande dit ce qu'il a promis et qu'il laisse chacun des organes institutionnels jouer son rôle, il n'y a aucune raison qu'il y ait des abus de pouvoir", estime Mariette Sineau. La directrice de recherche au Centre national de recherche scientifique (CNRS) pense que la dynamique engagée devrait profiter au PS, malgré la victoire relativement courte de François Hollande. "Les cohabitations, ça peut arriver par accident mais là on est sur une dynamique et on peut penser qu'en moins de cinq semaines, les Français ne se déjugeront pas", dit-elle.
La nouvelle équipe au pouvoir devrait en outre imposer la parité hommes-femmes au gouvernement et aux législatives, ce qui laisse espérer une hausse de la proportion de femmes à l'Assemblée nationale, actuellement inférieure à 20%. "Ça va faire grimper le taux de féminisation de l'Assemblée. On sera loin de la parité globale mais on peut espérer monter à un quart, ce qui sera quand même un progrès", dit Mariette Sineau, auteur d'un livre intitulé "Femmes et pouvoir sous la Ve République".