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Émeutes au Royaume-Uni: réunion de crise, justice "rapide"... Le point après une semaine de violences

Affrontements entre manifestants et forces de l'ordre à Liverpool après la mort de 3 enfants dans une attaque au couteau à Southport, au Royaume-Uni, le 3 août 2024

Affrontements entre manifestants et forces de l'ordre à Liverpool après la mort de 3 enfants dans une attaque au couteau à Southport, au Royaume-Uni, le 3 août 2024 - Peter POWELL / AFP

Le chef du nouveau gouvernement britannique a tenu une réunion de crise ce lundi, après un week-end de violences d'extrême droite au Royaume-Uni. Keir Starmer veut des condamnations "rapides" pour les émeutiers. Mais que se passe-t-il outre-Manche? Le point sur la situation.

Réunion de crise à Downing Street. Confronté aux pires émeutes au Royaume-Uni depuis 13 ans, le Premier ministre Keir Starmer s'est exprimé ce lundi 5 août 2024, suite à un week-end de violences de casseurs d'extrême droite visant mosquées et migrants.

Secouant le pays depuis une semaine, ces émeutes ont déjà donné lieu à près de 380 arrestations, un nombre qui continue d'augmenter avec les progrès des enquêtes sur les violences, d'après la fédération des responsables des forces de police britanniques. À l'origine, une attaque au couteau meurtière.

Une propagation des heurts

Les émeutes ont éclaté à Southport, au lendemain de l'attaque au couteau dans cette ville balnéaire du nord-ouest de l'Angleterre. Elles font notamment suite à des rumeurs non étayées - et en partie démenties depuis - sur la religion et l'origine du suspect de 17 ans, Axel Rudakubana, inculpé pour meurtres et tentatives de meurtres. Officiellement, on sait seulement qu'il est né au Pays de Galles, les médias affirmant que ses parents sont originaires du Rwanda.

Une semaine après cette attaque au couteau ayant coûté la vie à trois fillettes, les heurts qui ont suivi, sur fond de spéculations sur le profil du suspect, se sont propagés dans une grande partie du Royaume-Uni. Hôtels hébergeant des demandeurs d'asile saccagés, mosquées assaillies, pillages de commerces... Des centaines d'arrestations ont eu lieu dans le sillage des violences des derniers jours.

Des manifestations qui dégénèrent

Des émeutes ont donc éclaté à Southport, mardi dernier, dès le lendemain de l'attaque au couteau, et dans plusieurs villes, dont Londres, mercredi. Puis des violences ont eu lieu à Sunderland (nord-est de l'Angleterre) vendredi, causant 3 policiers hospitalisés et 8 personnes interpellées.

Nouvelle journée de violences, samedi. Les manifestations organisées dans plusieurs dizaines de villes ont dégénéré dans de nombreux endroits, notamment à Liverpool (nord-ouest de l'Angleterre), Hull (nord-est), Leeds (nord) ou Belfast (Irlande du Nord). Des affrontements ont eu lieu entre manifestants et policiers, mais aussi avec des contre-manifestants mobilisés à l'appel d'associations anti-racistes. Plusieurs policiers ont été blessés, d'après les polices locales.

Les forces de l'ordre ont indiqué dimanche avoir arrêté plus de 90 personnes à ce stade, dont 23 à Liverpool, 20 à Hull, 20 à Blackpool (nord-ouest de l'Angleterre) et 14 à Bristol (sud-ouest).

Des violences anti-migrants

Après plusieurs jours d'affrontements notamment à Liverpool, à Belfast, ou encore Bristol, ces rassemblements, avec comme mot d'ordre "Enough is enough" ("Trop c'est trop") en référence à l'arrivée au Royaume-Uni de migrants, ont été marqués par des violences contre deux hôtels hébergeant des demandeurs d'asile dimanche.

Des policiers montent la garde alors que des manifestants antiracistes tiennent des pancartes à Bristol le 3 août 2024, à Southport le 29 juillet.
Des policiers montent la garde alors que des manifestants antiracistes tiennent des pancartes à Bristol le 3 août 2024, à Southport le 29 juillet. © JUSTIN TALLIS / AFP

À Rotherham (nord de l'Angleterre), plus de 700 personnes, selon la police, se sont rassemblées, ont brisé des vitres de l'établissement et déclenché un feu, certains criant des slogans comme "Mettez-les dehors". Douze policiers ont été blessés et six personnes interpellées, la cheffe adjointe de la police du South Yorkshire, Lindsey Butterfield, assurant que le nombre d'arrestations augmenterait "fortement dans les jours à venir".

À Tamworth, près de Birmingham (centre de l'Angleterre), un hôtel a été pris pour cible par des assaillants qui ont en particulier "brisé des vitres, allumé des feux et ciblé la police", selon cette dernière.

À Middlesbrough (nord-est de l'Angleterre), des débordements ont également eu lieu dans le centre-ville. D'autres manifestations ont eu lieu à travers le pays, à Aldershot (sud-ouest), Bolton (nord) ou Weymouth (sud), dans un climat généralement tendu.

L'extrême droite pointée du doigt

Depuis lundi dernier, Keir Starmer multiplie les messages de fermeté et de soutien aux forces de l'ordre contre ce qu'il a de nouveau décrit dimanche comme "des violences d'extrême droite". "Si vous ciblez des gens à cause de la couleur de leur peau ou de leur religion, c'est de l'extrême droite", a-t-il insisté. Le gouvernement a annoncé renforcer la protection policière des mosquées.

La police a notamment pointé du doigt la responsabilité de l'English Defence League, un groupuscule d'extrême droite créé il y a 15 ans et dont les actions anti-immigration ont souvent été émaillées de débordements. Plus généralement, certains commentateurs et responsables politiques estiment que la montée d'un discours anti-immigration dans la classe politique a encouragé et légitimé les manifestants.

Le Royaume-Uni est confronté ces dernières années à l'arrivée chaque année de dizaines de milliers de migrants traversant la Manche sur canots pneumatiques, qui a rendu les arrivées clandestines particulièrement visibles. L'hébergement des demandeurs d'asile dans des hôtels payés par le gouvernement a créé parfois des tensions locales, les gouvernements conservateurs successifs cherchant à mettre fin à ce système sans y parvenir.

Une réunion de crise

Après avoir affiché ces derniers jours une grande fermeté, le Premier ministre britannique a convoqué ce lundi une réunion de crise, dite "Cobra", avec ministres et représentants de la police dans sa résidence officielle à Londres. Les participants sont repartis en fin de matinée sans s'exprimer devant la presse.

À l'issue de la réunion, Keir Starmer a promis une réponse ferme pour mettre un coup d'arrêt aux violences. Le chef du gouvernement travailliste a annoncé la mobilisation d'une "armée" de réserve de policiers spécialisés pour faire face aux heurts, sans plus de détails. Il a souligné que sa priorité "absolue" était de mettre fin aux désordres et que "les sanctions pénales soient rapides", et de "faire en sorte que les rues soient sûres pour le public", après les heurts du week-end.

Des policiers arrêtent un manifestant lors de violents affrontements pendant des manifestations à Bristol, après la mort de 3 enfants à Southport, au Royaume-Uni, le 3 août 2024
Des policiers arrêtent un manifestant lors de violents affrontements pendant des manifestations à Bristol, après la mort de 3 enfants à Southport, au Royaume-Uni, le 3 août 2024 © Justin TALLIS / AFP

Dès dimanche après-midi, il avait pris la parole à la télévision pour prévenir les casseurs qu'ils "regretteraient" d'avoir participé aux "désordres" des derniers jours, que ce soit directement ou indirectement, "en ayant provoqué ces actions en ligne". Le dirigeant travailliste, un ancien avocat et directeur du parquet, arrivé à Downing Street il y a tout juste un mois, a promis que son gouvernement ferait "tout ce qu'il faut pour traduire ces voyous en justice aussi vite que possible".

La police et la justice très mobilisées

Le pays n'avait pas connu une telle flambée depuis 2011, après la mort d'un jeune homme métis, Mark Duggan, tué par la police au nord de Londres. Selon les décomptes réalisés par les médias britanniques, plus de 400 personnes ont été arrêtées depuis une semaine. Plusieurs ont été écrouées ce lundi matin lors de comparutions devant des juges."

Ces délinquants paieront le prix", a assuré la ministre de l'Intérieur Yvette Cooper sur la BBC. "Nous nous sommes assurés que les tribunaux soient prêts, qu'il aient des procureurs supplémentaires disponibles", a-t-elle ajouté. "Nous nous attendons à ce que la justice soit rendue rapidement."

"Jusqu'à présent, 378 arrestations ont été effectuées et nous nous attendons à ce que ce total augmente chaque jour au fur et à mesure que les forces continuent d'identifier les personnes impliquées et d'interpeller les responsables. Un travail est mené 24 heures sur 24 pour y parvenir et les personnes impliquées seront traduites en justice", a indiqué ce lundi le Conseil nationale des chefs de la police dans un communiqué.

Maxime Ponsot avec AFP