Législatives britanniques: résultats, démission, Gaza… Cinq choses à retenir des élections

Le Premier ministre Keir Starmer devant le 10 Downing Street à Londre le 5 juillet 2024 - HENRY NICHOLLS / AFP
Les législatives au Royaume-Uni marquent un tournant avec le retour au pouvoir des travaillistes, qui mettent fin à 14 ans de pouvoir conservateur. Voici les cinq principaux enseignements de ces élections.
1 - L'écrasante victoire du Labour mais...
Avec 412 sièges et une majorité sans appel, selon les résultats quasi définitifs, le parti travailliste (centre-gauche) revient en force. Mené par Keir Starmer, ancien avocat de 61 ans qui va ainsi devenir Premier ministre, le Labour a bénéficié à plein de la soif de changement des électeurs, faisant plus qu'effacer sa cuisante défaite d'il y a 5 ans.
Le parti a notamment récupéré de nombreuses circonscriptions désindustrialisées du nord du pays, ce "red wall" (mur rouge) longtemps considéré comme acquis, mais qui avait été attiré par les promesses du Brexit et les investissements vantés par l'ancien Premier ministre conservateur Boris Johnson pour réduire les inégalités régionales.
Le Labour échoue de peu à atteindre le succès historique de Tony Blair en 1997 (418 sièges). Le taux de participation en baisse, un peu inférieur à 60%, témoigne d'un manque d'enthousiasme accompagnant une victoire due plus au rejet des conservateurs qu'au programme travailliste ou à son chef, peu charismatique.
Le parti a par ailleurs perdu des sièges en raison de la concurrence de candidats indépendants qui ont axé leur campagne sur leur soutien aux Palestiniens. Le phénomène expose les tensions au sein de son électorat mais aussi de ses élus au sujet du conflit à Gaza, Keir Starmer se voyant reprocher un positionnement pour certains trop pro-israélien depuis l'attaque du Hamas le 7 octobre.
2 - La percée de la droite dure
Choc dans la politique britannique: le parti anti-immigration et anti-système Reform UK a réussi à rafler 4 sièges. Pénalisé par un mode de scrutin qui favorise les grands partis, Reform s'est tout de même classé en deuxième position dans un nombre non négligeable de circonscriptions, devant les conservateurs. C'est un signe d'un mouvement de fond, en particulier dans le nord populaire de l'Angleterre.
Son chef, le fervent promoteur du Brexit Nigel Farage, 60 ans, lui-même élu - après 7 tentatives infructueuses - dans la circonscription de Clacton-on-Sea (Est), y a vu "le premier pas de quelque chose qui va tous vous abasourdir".
3 - Les ténors conservateurs battus
"Massacre", "catastrophe", "Waterloo"... Les qualificatifs n'ont pas manqué pour cette défaite historique avec autour de 121 sièges pour le parti de Margaret Thatcher, pourtant triomphant en 2019. Sans surprise, Rishi Sunak a annoncé vendredi qu'il quitterait la tête des Tories une fois organisée la succession.
Une dizaine de ministres conservateurs ont été battus, un record, tout comme l'ancienne Première ministre Liz Truss, qui avait quitté Downing Street en 2022 après 49 jour au pouvoir. Un signal envoyé aux Tories pour la suite, alors que certains voyaient en elle l'incarnation d'une droite libertarienne à la Donald Trump.
Plusieurs autres pointures ont sauvé leur siège de justesse, comme le ministre des Finances Jeremy Hunt et le président du parti Richard Holden, vainqueur à 20 voix près.
4 - En Ecosse, la crise s'aggrave pour les indépendantistes
L'ex-Première ministre Nicola Sturgeon l'a admis d'emblée: "Ce n'est pas une bonne nuit pour le SNP", le Scottish national party, qui domine la vie politique locale depuis une quinzaine d'années. Il est relégué de la troisième à la quatrième place au parlement de Westminster avec 9 députés sur 57 sièges représentant l'Ecosse, contre 48 auparavant. Un revers de plus pour le SNP, déstabilisé depuis la démission surprise de Nicola Sturgeon l'an dernier. Son successeur n'a tenu qu'un an.
Le parti de gauche est toujours visé par une enquête sur son financement et dépourvu de stratégie pour obtenir l'indépendance bloquée par Londres. Le Labour est redevenu dominant dans le territoire, comme jusqu'en 2010. Dans les médias, les élus du SNP ont attribué ce recul à la volonté des électeurs de déloger les conservateurs et non à un rejet de l'indépendance.
Mais le pari est perdu pour le Premier ministre John Swinney, qui espérait que remporter une majorité des circonscriptions qui lui aurait permis d'exiger du gouvernement britannique de nouvelles négociations. Et le SNP sera désormais moins audible sur la scène politique nationale. John Swinney a admis que le SNP n'était "pas parvenu à convaincre de l'urgence de l'indépendance" et promis une profonde remise en question.
5 - Le retour en force des LibDem
Personne n'avait vu venir les libéraux-démocrates, parti pro-européen balayé en 2019 et désormais concurrencé au centre par le nouveau positionnement du Labour. Il crée la surprise avec 71 députés, le meilleur résultat de son histoire, au delà de ses succès du début des années 2000 qui avaient conduit les "LibDem" à participer à une coalition avec les conservateurs entre 2010 et 2015.
Le parti profite du rejet des conservateurs, qui ont dérivé à droite depuis le Brexit. Mais aussi de la stratégie de son leader Ed Davey, qui a assumé amuser la galerie durant sa campagne - sur un toboggan, un paddle ou des montagnes russes - pour attirer l'attention médiatique sur ses propositions - sur la santé et la pollution des rivières. Sur ces derniers points, il pourra bénéficier du succès inattendu des Verts, qui passent de 1 à 4 députés.