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Guerre en Ukraine: quels sont les scénarios crédibles pour la suite du conflit?

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Le conflit entre la Russie et l'Ukraine a commencé il y a déjà plus d'un mois. Si les bombardements continuent, la guerre est beaucoup moins dynamique qu'à ses débuts. Certains parlent même d'un enlisement du conflit. Cependant, pour beaucoup d'observateurs, cette guerre va s'inscrire dans la durée. Le point avec Laurent Neumann sur RMC.

Après un mois de guerre en Ukraine, la guerre de mouvement initiée par la Russie est passée à une guerre de position, une guerre d’encerclement des villes. Presque à une guerre de tranchées.

La situation s’est enlisée sur la plupart des fronts, à l’Est, au Sud et au Nord. En certains endroits, les soldats russes essaient désormais de maintenir leurs positions tant la résistance ukrainienne est intense. On parle même de contre-offensive ukrainienne dans l’ouest de Kiev.

À l’Est, Marioupol sur la mer d’Azov est une ville martyre. On est clairement en présence d’un crime de guerre. Les bombardements sont indiscriminés. La ville est dévastée et les Russes tuent indistinctement soldats et civils.

Par ailleurs, les frappes se poursuivent autour de Kiev, que les troupes russes cherchent toujours à encercler. Clairement, la Russie a clairement amplifié ses opérations aériennes et navales.

3,5 millions de personnes ont fui l’Ukraine, dont 90% de femmes et d’enfants, et on parle au total de 10 millions de déplacés. C’est l’équivalent des 10 millions de déplacés français au moment de la débâcle en 1940

Bilan humain difficile à dresser

Cependant, il est difficile, voire impossible de dresser un bilan humain fiable. Côté Russe, dimanche, un média proche du Kremlin a publié le chiffre de près de 10.000 morts, information qui a été retirée quelques instants plus tard.

De son côté, Washington estime que les forces russes engagées en Ukraine, 200.000 hommes, auraient diminué d’environ 10% depuis le début de l’offensive, si l’on additionne les morts et les blessés.

Quant aux pertes en matériel, les experts s’en remettent aux statistiques de deux analystes militaires néerlandais qui eux-mêmes se fient à ce qui a été filmé, photographié et authentifié. Selon eux, les Russes auraient perdu près de 1500 véhicules, dont 265 chars, ce qui est énorme, un navire, 265 pièces d’artillerie, 66 aéronefs, dont 35 hélicoptères, 15 avions et 16 drones. Par comparaison, le conseiller militaire de Volodymyr Zelensky prétendait mercredi que le 100ème avion russe avait été abattu au-dessus de Marioupol.

Côté ukrainien, ils ont comptabilisé 416 véhicules détruits, dont 73 chars, c’est-à-dire trois fois moins que côté russe, mais aussi 13 navires, 123 pièces d’artillerie et 21 aéronefs.

À ce stade, tous les scénarios sont envisagés, y compris les pires. Un effondrement d’une des deux armées, un bombardement systématique des grandes villes comme à Marioupol… Le président américain Joe Biden a même assuré lundi que la Russie envisageait d’utiliser des armes chimiques. Le porte-parole du Kremlin a lui-même prévenu mercredi que Moscou pourrait utiliser l’arme atomique en cas, je cite, de “menace existentielle”.

L'utilisation d'armes chimiques, "une ligne rouge"

Ce qui est sûr, c’est que les Occidentaux, eux, se préparent à une guerre longue. Comme dans le Donbass après 2014. C’est d’ailleurs pour ça qu’ils hésitent à aller jusqu’à l’embargo sur le gaz et le pétrole. Pour se garder la possibilité de nouvelles sanctions si des lignes rouges venaient à être franchies.

L’utilisation d’armes chimiques, en l’occurrence, ce serait une ligne rouge ? D’abord, c’est une prédiction qu’on est obligé de prendre au sérieux. Jusqu’à présent, les services de renseignement américains ne se sont pas trompés. Pourquoi Joe Biden semble si sûr de lui ? D’abord, parce que les Russes ont déjà utilisé des missiles hypersoniques qui témoignent de leur volonté d’escalade. Ensuite, parce que Moscou accuse les Etats-Unis de disposer d’armes chimiques en Europe. Or, selon Washington, c’est une façon pour Poutine de justifier un éventuel recours à ces armes chimiques.

Sur le papier oui. Joe Biden a averti Vladimir Poutine qu’en pareil cas, la Russie s’exposerait, je cite, à “une réponse occidentale sévère”, mais sans préciser la nature de cette réponse. Barack Obama avait parlé de “ligne rouge” en Syrie quand Bachar El Assad a fait usage de gaz sarin, mais Obama a finalement renoncé à riposter.

Alors pourquoi les Russes choisiraient une telle escalade ? D’abord, parce que la guerre s’enlise. Ensuite, parce que ces armes chimiques sont susceptibles de tuer des milliers de personnes d’un seul coup et donc de provoquer un effet de panique chez les Ukrainiens. Ce serait un moyen de leur arracher une reddition et d’intimider les occidentaux pour qu’ils cessent leurs envois d’armes et leurs sanctions économiques.

Tous ces scénarios seront évidemment examinés lors des sommets de l’Otan, du G7 et de l’Union européenne qui se tiennent ce jeudi en Belgique.

Laurent Neumann