Guerre en Ukraine: combats, réfugiés, sanctions… où en est le conflit un mois après l’invasion russe
Le 24 février dernier, les troupes russes pénétraient en Ukraine, après plusieurs semaines de tensions à la frontière russo-ukrainienne, sur fond de guerre entre l'armée ukrainienne et les républiques séparatistes pro-russes dans le Donbass, et d'annexion de la Crimée par la Russie en 2014.
Le plan de Moscou est simple. Atteindre ses principaux objectifs stratégiques en un minimum de temps. La Russie compte notamment prendre le contrôle de la capitale Kiev en trois jours seulement et faire tomber le gouvernement de Volodymyr Zelensky.
L'échec de la guerre éclair
Aux premières heures du conflit, la Russie assurait avoir détruit les bases aériennes et les défenses anti-aériennes ukrainiennes. Pourtant, après quatre semaines de combat, l'aviation ukrainienne effectue toujours des sorties quotidiennes tandis qu'hélicoptères et avions russes subissent de lourdes pertes. Au 24 mars, l'armée russe avait perdu 15 avions et 34 hélicoptères selon Oryx, un site recensant les pertes matérielles, vidéos et photos à l’appui.
Au sol, les soldats russes se sont retrouvés confrontés à une forte résistante ukrainienne. À Kiev, l'armée russe a échoué à encercler la ville. Dans la foulée, elle était confrontée à des problèmes de ravitaillement qu'une impressionnante colonne de blindés longue de 60 kilomètres, n'est pas parvenue à combler.
Sur le front Est, les troupes russes ont également échoué à s'emparer des villes de Kharkiv et Sumy, à majorité russophone, qui continuaient de résister ce 24 mars.
C'est au sud que l'offensive russe réussissait finalement ses plus grosses avancées, s'emparant des villes de Berdiansk, Kherson et Melitopol. La dernière ville sous contrôle ukrainien sur le front de la mer d'Azov, Marioupol, était au 24 mars encore la cible d'intenses bombardements, au prix de nombreuses pertes civiles.
"Il n'y a pas d'unicité du commandement et chaque front est un peu autonome. L'un des principes de la guerre, la concentration des forces, n'a pas été respecté par Moscou donc ils le payent très cher aujourd'hui", assure à RMC le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue de défense nationale.
Enlisement et frappes sur des bâtiments civils
En un mois, les forces armées russes ont très peu avancé. Seule l’offensive au sud a été auréolée d’avancées significatives au début du conflit. C’est cet enlisement de l’offensive qui semble avoir fait changer de doctrine l’armée russe. Désormais, les populations civiles sont aussi la cible de bombardements, notamment à Marioupol donc, où 80% des immeubles de la ville ont été détruits. C'est dans ce contexte qu'une maternité a été touchée par une frappe le 9 mars dernier, tuant au moins trois personnes et faisant 17 blessés. Le 16 mars, c'est le théâtre de la ville où s'étaient réfugiées une centaine de personnes qui a été touché par un énième bombardement russe.
Selon la municipalité, la ville a été frappée mardi par deux "bombes superpuissantes", a-t-elle indiqué sans pouvoir donner de bilan. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, a assuré que 100.000 civils étaient toujours coincés dans la ville, où des chars russes sont entrés après des semaines de bombardement.
Trois couloirs humanitaires devaient être ouverts entre la ville de Zaporojie et des localités proches de Marioupol, que le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé la Russie de "tout simplement détruire".
Le maire d'Irpin et l'ambassadeur d'Ukraine en France ont accusé ce mercredi 23 mars la Russie d'avoir utilisé des bombes au phosphore blanc lors de bombardements sur les civils. Cette arme, qui peut servir pour illuminer un champ de bataille la nuit ou produire de la fumée, peut également être utilisée à des fins incendiaires.
À Kiev, une nouvelle frappe sur le parking d'un centre commercial a fait un mort et deux blessés, selon le maire Vitali Klitschko. Plus tôt dans la journée, quatre personnes avaient été blessées dans des bombardements sur des immeubles.
Contre-attaque ukrainienne
Dès les premiers jours, l’armée ukrainienne a fait preuve d’une intense résistance. A Hostomel, à 15 km de Kiev, les troupes ukrainiennes ont perdu l’aéroport stratégique dès le 24 février avant de le reprendre quelques heures, suffisant pour le rendre inopérable. À Mykolaiev, d’abord tombé aux mains des Russes, l’armée de Kiev a pu reprendre le dessus et la ville était ce jeudi toujours ukrainienne.
Galvanisée par les opérations de communication de ses forces armées et de son président sur les réseaux sociaux, l’armée ukrainienne regagne désormais du terrain dans certaines régions.
Russes et Ukrainiens s'affrontent au nord-est et au nord-ouest de la capitale ukrainienne. Et les autorités municipales y font état de gains majeurs de territoires autour de Kiev. "On a reçu des informations de sources officielles, des soldats ukrainiens contrôlent déjà la petite localité de Makaryv à l'ouest de Kiev et la quasi-totalité d'Irpin au nord-ouest de Kiev", a assuré mercredi le maire de Kiev Vitali Klitschko.
Après avoir conquis la ville de Kherson au sud, l’armée russe n’avance plus et essaie de garder la ville sous son contrôle, mise sous pression par la population russophone hostile à son arrivée.
Le Pentagone a confirmé que l'armée ukrainienne menait des opérations de contre-offensive et avait repris du terrain sur les troupes russes notamment dans le sud du pays: "Les militaires ukrainiens sont désormais, dans certaines situations, à l'offensive", a assuré à CNN John Kirby, le porte-parole du département de la Défense des Etats-Unis, ajoutant qu'ils "pourchassent les Russes et les repoussent en dehors de zones où les Russes étaient par le passé".
Accueil hostile des populations russophones
En envahissant l'Ukraine, Vladimir Poutine pensait libérer ses habitants russophones du joug du pouvoir central de Kiev. L'armée russe pensait être accueillie en héroïne, sur fond d'annexion de la Crimée et de séparatisme de deux républiques autonomes russophones à l'est du pays.
Mais un mois après, force est de constater qu'il n'en est rien. À Melitopol, une ville à majorité russophone, proche de la mer Noire et tombée sous contrôle russe le 1er mars dernier, des manifestations ont vite éclaté contre les troupes russes.
À Kherson, où vit également une importante population russophone, les manifestations sont quasi quotidiennes. La Rosgvardia, la garde nationale russe chargée du maintien de l’ordre, a déjà tiré sur la foule.
Des vidéos ont émergé sur les réseaux sociaux, montrant des civils ukrainiens s'adressant aux soldats russes en russe, leur intimant de rentrer chez eux.
La Russie visée par de lourdes sanctions internationales
Dans la foulée de l'invasion, la Russie a été la cible d'importantes sanctions internationales. Exclue du système de paiement bancaire sécurisé SWIFT, elle a vu ses compagnies aériennes être interdites de survol de nombreux pays d'Europe. Les avoirs des oligarques ont été gelés dans de nombreux pays et de nombreuses entreprises étrangères ont choisi de cesser leurs activités en Russie.
De nouvelles sanctions pourraient être annoncées vendredi à l'issue d'un marathon diplomatique, où la France doit notamment enchaîner sommet de l'Otan, sommet du G7 et enfin un Conseil européen. L'exclusion de la Russie du forum du G20 devrait y être discutée, alors que la Chine s'y oppose.
Au Conseil européen, plusieurs États souhaitent s’attaquer spécifiquement au secteur de l'énergie. Les pays baltes poussent pour un embargo sur les énergies fossiles provenant du pays, gaz et pétrole en tête. Tandis que le chef du gouvernement polonais, Mateusz Morawiecki, suggère d'imposer un large blocus commercial, d’autres pays, très dépendants des hydrocarbures russes, sont réticents. L’Allemagne souhaite évaluer les conséquences des mesures de rétorsion déjà prises dans un premier temps.
Près de 3,5 millions de réfugiés
L'invasion de l'Ukraine a poussé des millions d'Ukrainiens à l'exode. Près de 10 millions d'entre eux auraient fui leur domicile devant les intenses combats et les bombardements des populations civiles. Selon un décompte de l'ONU publié mardi, près de 3,5 millions de personnes avaient fui l'Ukraine.
En France, près de 26.000 Ukrainiens étaient déjà arrivés en France au 22 mars. "10.500 ressortissants ont reçu une autorisation provisoire de séjour dans le cadre de la protection temporaire proposée par l’UE aux réfugiés ukrainiens", a assuré le Premier ministre Jean Castex, ajoutant que 2400 enfants ukrainiens étaient déjà scolarisés. Enfin, au moins 100.000 places d'hébergement ont été proposées par le gouvernement aux réfugiés ukrainiens.