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L'armée française est-elle prête pour un conflit de grande ampleur?

Une mission parlementaire a permis d'établir l'état de préparation de l'armée française en cas de conflit de "haute intensité". Ce rapport estime qu'elle est un "modèle de cohérence", mais préconise de poursuivre les investissements.

Si la crise ukrainienne débouchait sur une guerre de grande ampleur, l’armée française serait-elle bien préparée? Un rapport parlementaire a justement tenté de répondre à cette question.

Hasard du calendrier, ce rapport a été publié ce mardi par une mission d’information de l'Assemblée nationale. Une mission menée par un groupe de députés qui ont établi une sorte de diagnostic de l’état de préparation de nos armées, en cas de conflit de “haute intensité”, soit en cas de guerre de grande ampleur, impliquant de lourdes pertes humaines.

Il faut, selon eux, se préparer à des conflits plus durs. D’abord parce que l’ordre mondial issu de 1945 et qui garantissait la paix est aujourd’hui contesté par des puissances "révisionnistes" et puis parce que les instances de dialogue comme l’ONU sont impuissantes.

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"Un modèle de cohérence, de crédibilité"

À l’heure où la Russie, la Chine ou encore la Turquie se réarment, la probabilité d’un conflit de grande ampleur augmente, même si elle reste ténue. Et ce qui se passe en Ukraine “renforce ce jugement”, estime la co-auteure du rapport, la députée LREM Patricia Miralles. S’y préparer, c’est aussi le meilleur moyen d’éviter la guerre.

Les députés ont mené une cinquantaine d’auditions, avec des hauts gradés de l'état-major, des armées de Terre, de l’Air, de la Marine, mais aussi avec des experts de la géopolitique. Ils se sont aussi déplacés, auprès des troupes françaises stationnées en Estonie, donc tout près de la frontière russe. Et ils font 32 propositions.

Leur constat n’est pas trop alarmiste: "L’armée française est un modèle de cohérence, de crédibilité, avec une base industrielle et technologique de défense parmi les meilleures au monde".

Multiplier les investissements

Mais les députés alertent sur le risque, qui s’applique à tous les Européens: le déclassement stratégique, si les investissements ne sont pas suffisants. Ils font le constat que la modernisation des armées a été entravée par des coupes budgétaires depuis près de 20 ans et ils insistent donc sur l’importance du financement. Il faut continuer à appliquer à la lettre la loi de programmation militaire, votée pour la période 2019-2025. Cette loi prévoit d’augmenter le budget de la défense de 3 milliards d’euros par an, pour atteindre presque 300 milliards d’euros sur 7 ans. Et les parlementaires estiment que cet effort budgétaire devra se poursuivre au-delà de 2025.

Des investissements colossaux pour continuer de moderniser nos armées et de s’adapter aux menaces nouvelles. Il y a d’abord une urgence pointée dans ce rapport. Il faut reconstituer le stock de munitions. Il manque 6 à 7 milliards d’euros pour les remettre à niveau. Et pour certaines munitions complexes, il faut trois ans pour se faire livrer.

Deuxième aspect, les parlementaires préconisent d’augmenter l’aviation de chasse à 215 appareils contre 185 prévus pour 2030. Des avions de chasse, mais aussi des frégates, 18 contre 15 prévues.

Et puis la modernisation implique aussi d’investir dans les hautes technologies: la robotisation, l’intelligence artificielle, les drones, les systèmes de défense et également le spatial, nouveau terrain potentiel d’affrontement. On lit également que la France doit préparer son système de santé et notamment planifier la prise en charge de blessés en grand nombre dans les hôpitaux.

Enfin, le rapport insiste sur la collaboration avec nos partenaires, nos alliés et sur l’importance de mieux se préparer aux guerres hybrides, qui se jouent aussi sur d’autres terrains comme les cyberattaques, la désinformation, la propagande. Des armes redoutables de déstabilisation, à l’heure des réseaux sociaux.

Le rapport cite d’ailleurs l’exemple de la Russie, qui en 2014 a conquis la Crimée sans tirer un seul coup de feu, parce que ses troupes étaient prépositionnées et parce qu’elle avait construit un discours pour légitimer cette annexion. Et l’histoire semble se répéter. 

Sébastien Krebs