Relations France-Algérie: pourquoi un revirement sur les accords de 1968 semble délicat

La semaine dernière, l’Algérie a refusé l'expulsion par la France d'un de ses ressortissants, un influenceur accusé de propager la haine. Depuis, le gouvernement français hausse le ton notamment autour des accords de 1968 qui lient les deux pays.
Ces fameux accords bilatéraux de 1968, c’est un contrat qui organise la circulation, le séjour ou même l’emploi des Algériens en France. Petit rappel, nos lois immigration ne concernent pas les Algériens, premier contingent d’immigrés en France. C’est l’accord bilatéral qui prévaut.
Édouard Philippe voulait qu’on les rediscute, Élisabeth Borne aussi, Michel Barnier le dernier à Matignon également. Les Républicains avaient déposé une proposition de loi en ce sens, mais ça n’est pas passé. Le dernier, c’est Gabriel Attal, vendredi, qui a dénoncé l’accord. Ça fait quand même quatre des cinq derniers Premiers ministres.
Alors pourquoi est-ce qu’on ne le dénonce pas, cet accord? C’est là que c’est un dossier compliqué, car peut-être que ce n’est pas une si bonne idée. Si on revient sur l’accord de 1968, certains juristes estiment qu’on reviendrait aux accords d’Évian de 1962. La fin de la guerre et donc un régime de libre circulation entre nos deux pays. Pas sûr que ce soit vraiment l’objectif.
Et puis en fait, techniquement, on ne peut pas dénoncer unilatéralement un accord bilatéral. C’est du droit. Pour faire simple, un accord du genre, ça se discute, ça se négocie à deux. Il faudrait d’abord prononcer des avertissements et des demandes de négociation avant de rompre l’accord.
Des rapports extrêmement tendus
Et la négociation en ce moment, ce n’est pas gagné avec l’Algérie. Les rapports sont extrêmement tendus. Particulièrement depuis la reconnaissance par Emmanuel Macron de la marocanité du Sahara Occidental l’été dernier. L’Algérie est furieuse, car elle soutient les indépendantistes de ce territoire.
Et puis, plus récemment encore, il y a le cas de l’écrivain Franco-Algérien Boualem Sansal. Il est détenu arbitrairement depuis le mois de novembre et son état de santé est préoccupant. Lundi dernier, Emmanuel Macron a dénoncé une Algérie “qui entre dans une histoire qui la déshonore” en empêchant un homme malade de se soigner. Le ton monte.
Le gouvernement français semble unanime sur la question algérienne. “Alger cherche à humilier Paris” disait Bruno Retailleau en fin de semaine dernière. Le ministre de l’Intérieur promet une “riposte”. Ce week-end, le ministre des Affaires étrangères est même allé plus loin et menace sur l’aide au développement d’abord que reçoit l’Algérie. Autre levier que la France pourrait activer, c’est de cesser de délivrer des visas aux ressortissants algériens.
Au gouvernement toujours, Gérald Darmanin, à la Justice, veut revenir sur un autre accord qui profite aux dirigeants algériens. Les titulaires d’un passeport diplomatique peuvent aller et venir en France librement exemptés de Visa. Ils l’utilisent pour se faire soigner notamment. Des centaines, voire des milliers de dirigeants algériens seraient concernés.
Un impact économique
Mais toutes ces mesures seraient-elles efficaces ? On peut en douter. Sur la question des visas et des accords bilatéraux, cela impacterait surtout la population algérienne et les familles de Français d’origine algérienne plus que le régime.
Et puis surtout, il y a l’espace Schengen en Europe. Il suffirait alors aux Algériens d’obtenir un visa espagnol ou Italien pour venir ensuite en France. Gérald Darmanin avait déjà joué le chantage “visa contre laissez-passer consulaire” pour les Algériens visés par une obligation de quitter le territoire. Mais ça n’a pas marché.
L’aide au développement, c’est 130 millions d’euros. L’Algérie, c’est un pays à 250 milliards de PIB. Et si on se lance dans un bras de fer économique, rappelons qu’on achète des hydrocarbures à l’Algérie. Il faudrait donc assumer de renchérir le coût de l’énergie en France.
Enfin, le bras de fer diplomatique Paris-Alger peut aussi compliquer notre coopération dans la lutte contre le terrorisme. Jusqu’à présent, malgré la brouille, les services travaillent encore ensemble. Surtout qu’il faut souligner l’importance de la coopération Paris-Alger sur des questions sécuritaires et militaires au Sahel notamment ou encore en Syrie puisque l’Algérie dispose de relais de renseignement important à Damas.