Turquie: qui est Kemal Kilicdaroglu, le rival de Recep Tayyip Erdogan à la présidentielle?

En Turquie, le sortant Recep Tayyip Erdogan est apparemment en ballotage après le premier tour de l’élection présidentielle qui a eu lieu ce dimanche. On a d’abord cru qu'il allait être élu dès le premier tour, comme en 2014 et en 2018. Les premiers résultats le donnaient juste au-dessus de 50%. Mais au fur et à mesure des dépouillements qui se sont faits dans une ambiance tendue, le score du président a été revu à la baisse. Et on se dirige vers un deuxième tour qui opposerait Erdogan à celui qui est arrivé en seconde position, Kemal Kilicdaroglu.
Erdogan a admis dimanche soir qu’il y aurait un deuxième tour, en prenant la parole devant une foule de partisans qui s'étaient rassemblés comme pour fêter la victoire. Le président sortant a estimé être clairement en tête, mais il s’est dit prêt à respecter les résultats de l'éventualité d’un deuxième tour, si nécessaire… Ce qui a l’avantage de calmer les esprits. On craignait des contestations, voire des violences si l’un ou l’autre des candidats avait été proclamé élu dès le premier tour. Finalement, Erdogan terminerait juste en-dessous de la barre des 50%. Vraiment juste en-dessous…
Surnommé "Gandhi"
Ce challenger qui a mis le président sortant en difficulté, on le surnomme "Gandhi" parce qu’il ressemble un peu physiquement à l'apôtre indien de la non-violence. Il lui ressemble et il prône la concorde. Il y a quelques années, après l’arrestation d’un député, il avait entrepris une longue marche de 450 km en guise de protestation et des milliers de personnes avaient marché avec lui. Comme Gandhi quand il marchait contre la colonisation anglaise.
Mais la ressemblance s'arrête là parce que Gandhi avait beaucoup de charisme alors que Kemal Kilicdaroglu n’en a aucun. Ce n’est pas un bon orateur mais un adepte de la langue de bois. C’est un comptable de formation qui est devenu patron de la sécurité sociale. D'où son image de terne bureaucrate. Comment est-il arrivé là? En surfant sur la vague du “tout sauf Erdogan”. Il a réussi a fédéré six partis d’opposition qui n’ont rien en commun, de la droite nationaliste à la gauche, en passant par des mouvements kurdes. Six partis qui ont enterré leurs divisions parce qu’ils savaient que seul un candidat unique avait une chance de renverser l’inamovible Erdogan.
Kemal Kilicdaroglu traite Recep Erdogan de dictateur. Sa principale promesse de campagne, c’est de rétablir la démocratie et la liberté de la presse. Et c’est vrai qu’Erdogan a jeté en prison des milliers d’opposants après une tentative de coup d’Etat en 2016. La Turquie est parmi les derniers pays du monde dans le classement pour la liberté de la presse. Et les médias d’Etat, en particulier les télévisions, ont honteusement fait campagne pour le président sortant. Le président sortant qui, lui, traitait son adversaire de terroriste, de partisan des homosexuels, ou bien encore de complice de l’Occident… La campagne a été violente.
Pas une révolution sur le plan international
Qu'est-ce qui changerait si le candidat d’opposition devait l’emporter? En interne, ce serait une révolution. La chute d’un autocrate qui dirige son pays d’une main de fer depuis 20 ans. Dix ans comme Premier ministre, puis dix ans comme premier président élu au suffrage universel après une réforme de la constitution.
Mais sur le plan international ce ne serait pas une révolution. Kemal Kilicdaroglu est un nationaliste. Il souhaite rester au sein de l’Otan, mais il continuerait certainement à dialoguer avec la Russie, comme Erdogan le fait. Il resterait ferme sur les dossiers de la Syrie et sur l'éternel conflit avec la Grèce. Il veut relancer les négociations d'adhésion à l'Union européenne mais ces négociations n’ont aucune chance d’aboutir à court ou moyen terme. Bref, avec lui, la Turquie resterait ce qu’elle est. Un pays nationaliste, de plus en plus religieux, et qui s’éloigne de l’Occident. Si les résultats sont confirmés, le deuxième tour aura lieu dans 15 jours, le 28 mai.