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Une élue atteinte de trisomie veut changer le "regard" sur le handicap en Espagne

Mar Galceran, député régional du parti d'opposition espagnol Partido Popular (PP), pose pour des photos lors d'un entretien avec l'AFP, au parlement régional de Valence, le 23 janvier 2024.

Mar Galceran, député régional du parti d'opposition espagnol Partido Popular (PP), pose pour des photos lors d'un entretien avec l'AFP, au parlement régional de Valence, le 23 janvier 2024. - Jose Jordan / AFP

Mar Galcerán, une élue trisomique du parlement régional de Valence, se bat au quotidien pour la reconnaissance du handicap en politique et dans la société.

Dans l'hémicycle, son aisance fait souvent oublier sa maladie: première élue régionale en Espagne atteinte de trisomie 21, Mar Galcerán se bat pour changer "le regard" de la société sur le handicap, objet d'une révision de la Constitution espagnole votée jeudi.

Âgée de 46 ans, cette femme politique souriante et volubile a intégré en septembre le cercle restreint des personnes atteintes de trisomie titulaires d'un mandat électif en Europe, en rejoignant les bancs du parlement régional de Valence, dans le sud-est du pays.

Un mandat que cette membre du Parti populaire (PP, droite) entend mettre à profit pour "changer le regard qu'à la société vis-à-vis des personnes en situation de handicap".

Le choix des mots

C'est aussi ce qu'elle attend de la révision de la Constitution espagnole, destinée à remplacer le terme "diminués", jugé dégradant, par "personnes handicapées", qui a été approuvé définitivement jeudi par le Sénat.

Comme la semaine dernière à la Chambre des députés, le texte a été adopté par une écrasante majorité, dépassant largement celle requise des trois cinquièmes. Seule la formation d'extrême droite Vox a voté contre.

"Le terme 'diminué'", comme le terme 'invalide', c'est une offense, une insulte pour les personnes ayant un handicap, car on ne vaut pas moins" que les autres, affirme-t-elle avec force dans une interview à l'AFP.

Cette réforme, qui élargira aussi les droits des personnes handicapées, est la troisième de la loi fondamentale espagnole depuis son adoption en 1978, trois ans après la fin du franquisme, et la première à caractère social.

La nouvelle formulation rappelle que "les mots comptent", insiste Mar Galcerán, qui appelle à considérer les gens souffrant d'un handicap comme des "personnes", indépendamment de leur maladie.

Une réforme "juste" qui arrive "tard"

Encartée au PP à l'âge de 18 ans, cette fonctionnaire territoriale n'a depuis cessé de militer et de "lutter" contre les discriminations subies à cause de sa différence génétique, notamment en tant qu'ex-présidente d'"Asindown", association régionale représentant les personnes atteintes de trisomie 21.

Cette fan de course à pied et de danse garde en mémoire une adolescence marquée par "le rejet". "J'avais des camarades, mais je n'avais pas d'amis, parce qu'ils me voyaient comme une personne différente" et "ne comptaient pas sur moi", raconte-t-elle.

Plus que la société ou les politiques publiques, c'est d'abord sa famille que cette ancienne auxiliaire de puériculture remercie pour l'avoir "toujours soutenue dans (ses) choix".

Depuis qu'elle a prêté serment comme élue, Mar Galcerán s'est engagée dans la commission parlementaire sur le handicap, qui mérite, explique-t-elle, une approche "transversale" englobant les domaines de "la santé, la famille, l'éducation et l'emploi", mais pour laquelle "beaucoup reste à faire".

Pour cette élue, la réforme constitutionnelle faisait partie des chantiers prioritaires. Bien que symbolique, elle la juge "juste" et "nécessaire", même si elle estime qu'elle arrive "tard".

"Capacités différentes"

L'article 49 de la Constitution stipulait que "les pouvoirs publics mènent une politique de prévention, de traitement, de réadaptation et d'intégration des diminués physiques, sensoriels et mentaux".

La nouvelle formulation précise que "les personnes handicapées" exercent leurs droits "dans des conditions de liberté et d'égalité réelles et effectives". Elle prévoit également que "les besoins spécifiques des femmes et des mineurs handicapés" seront particulièrement pris en compte.

Lors du débat au Congrès des députés, le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez avait salué "un grand jour pour la démocratie", affirmant que cette réforme revenait à "régler une dette morale vis-à-vis de plus de quatre millions de citoyens" espagnols souffrant à un niveau ou à un autre d'un handicap.

"Il reste encore un long chemin à parcourir pour parvenir à une inclusion totale, pour embrasser la diversité qui nous définit", avait toutefois reconnu le chef du gouvernement, qui avait "demandé pardon" aux personnes handicapées pour l'emploi d'un terme "si dégradant durant tant d'années".

Selon Mar Galcerán, le débat sur le choix des mots n'est pas clos pour autant. Au terme "handicapé", elle préfère l'idée de personne avec des "capacités différentes", qu'elle espère voir un jour se généraliser.

CA avec AFP