L'offensive de Royal met Aubry l'indécise dos au mur

L'annonce mardi de la candidature de Ségolène Royal (au premier plan) à la primaire socialiste met Martine Aubry dos au mur. Empêtrée dans son indécision, elle doit ramener le calme pour ne pas perdre toutes ses chances. /Photo prise le 29 août 2010/REUTE - -
par Laure Bretton
PARIS (Reuters) - L'accélération des manoeuvres présidentielles au sein du Parti socialiste met Martine Aubry dos au mur : empêtrée dans son indécision, elle doit ramener le calme pour ne pas perdre toutes ses chances.
Mardi soir, après 24 heures d'ébullition liée à l'annonce de la candidature de Ségolène Royal à la primaire socialiste, le premier secrétaire du PS n'a pas présidé le Bureau national de sa formation à Paris, officiellement parce qu'elle devait déployer le plan "Grand froid" dans sa ville de Lille.
Selon ses instructions, l'offensive de l'ex-candidate à l'Elysée n'a été ni approuvée ni critiquée pendant la réunion, qui a été consacrée au plan de sauvetage de l'Irlande. Mais l'explication de son absence est loin d'avoir convaincu.
Hors micro, les mécontents s'épanchent.
"Elle n'est jamais là dans les moments cruciaux", dit un secrétaire national. "Elle a la trouille de la baston", juge un autre. "Elle somatise", renchérit un député rappelant sa candidature à la toute dernière minute au poste de premier secrétaire, lors du congrès de Reims en novembre 2008.
La direction du PS, qui se présente en "pôle de stabilité" loin de la bataille de "présidentiables", balaie les attaques avec un brin de fatalisme.
"Elle a une obsession: s'extraire de l'immédiateté", explique un cadre du PS qui ne doute pas que la fille de Jacques Delors sera finalement candidate. "En attendant, elle ne veut pas être associée au brouhaha."
Pour l'ancien ministre socialiste de l'Economie, Michel Sapin, Martine Aubry va sentir que "rester silencieux est un dispositif intenable", pour elle et pour le directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn.
Présidentiables préférés des sondages, les deux anciens ministre de Lionel Jospin s'en tiennent au calendrier officiel de la primaire, qui prévoit un dépôt des candidatures en juin.
"LE SYNDROME FRANÇOIS HOLLANDE"
Martine Aubry doit "remettre des bornes, fixer les limites" mais elle "n'a pas une envie présidentielle telle qu'elle cherche à maîtriser le processus" de la primaire, estime Michel Sapin, un proche de François Hollande.
La maire de Lille avait fait de 2010 "l'année du projet". Depuis l'été, elle promet des propositions "en cascade" au PS mais les divisions ont ressurgi à la faveur du texte sur "l'égalité réelle", dès la fin du conflit des retraites, dont aucun dirigeant socialiste n'est sorti renforcé.
La séquence est délicate: elle doit s'en tenir à sa feuille de route collective - avoir un PS en état de marche en 2012 - tout en mûrissant ses intentions présidentielles personnelles.
"Elle est paralysée par sa décision. Comme elle ne sait pas ce qu'elle veut faire, elle aurait préféré tout geler", juge un député pourtant acquis à sa cause.
En évoquant une entente avec Ségolène Royal et Dominique Strauss-Kahn en vue des primaires la semaine dernière, Martine Aubry semble avoir fait l'inverse, précipitant le mouvement.
Il lui reste quelques pièges avant la fin de l'année comme la convention sur l'égalité réelle, le 11 décembre, où il était prévu que Ségolène Royal fasse un discours avant qu'elle se lance dans la primaire, et une réunion de la commission d'organisation des primaires, le 14, qui promet d'être animée.
Après les fêtes, le premier secrétaire renouera avec les déplacements de terrain, une quinzaine avant les cantonales de mars. Un voyage au Sénégal est envisagé en février, lors du Forum social mondial et elle présidera également une série de "forums" du PS, sur les institutions, la santé et la culture.
Pour le politologue Paul Bacot, Martine Aubry "risque de connaître le 'syndrome Hollande'", l'ancien premier secrétaire qui avait dû passer son tour en 2007.
Pour éviter ce piège, elle doit se lancer dans la course rapidement, juge le secrétaire national Razzye Hammadi: "Plus tôt elle est candidate, plus tôt elle n'est plus premier secrétaire".
Edité par Yves Clarisse