La colère gronde à Kasserine (Tunisie): "On est tous prêts, homme ou femme, à se sacrifier"
La Tunisie vit depuis trois nuits sous couvre-feu. Un couvre-feu imposé dans tout le pays de 20h à 5h du matin pour éviter de nouveaux débordements après une semaine d'une contestation sociale, inédite depuis la révolution de 2011, contre le chômage et les inégalités. Plus précisément ces tensions sociales ont débuté à Kasserine, ville de 80.000 habitants, lorsqu'un chômeur de 28 ans, Ridha Yahyaoui, est mort électrocuté après être monté sur un poteau. Il protestait avec d'autres contre son retrait d'une liste d'embauches dans la fonction publique.
RMC s'est rendue à Kasserine, ville du centre-ouest du pays où 30% des moins de 30 ans sont au chômage et où plusieurs centaines de jeunes occupent le gouvernorat de la région, l’équivalent des préfectures en France. Un gouvernorat transformé en camp de fortune dans lequel vit Cheb Sédine. Tout autour de lui, les couvertures s'entassent. La salle est devenue un dortoir dans lequel il n'y a pratiquement que des jeunes diplômés, tous au chômage.
"Notre vie est un cauchemar"
C'est le cas, par exemple, de Soraya, 32 ans. "Nous ne savons pas comment nous allons finir. Nous avons tous entre 30 et 35 ans et nous n'avons pas de travail. Notre vie est un vrai cauchemar", se désole-t-elle. C'est pourquoi, pour exprimer toute cette détresse, ce désespoir, et afin d'alarmer les pouvoirs publics locaux, quelques jeunes de Kasserine ont entamé ce dimanche une grève de la faim. Et pas question de faire marche arrière.
"On est tous prêts, homme ou femme, à se sacrifier. On est connus pour ça à Kasserine. Je fais la grève de la faim et je suis prêt à donner ma vie pour les autres. Pour que l'on trouve enfin du travail, que l'on ait une vie meilleure…, assure Monder, 23 ans. Vous savez, on en a vu d'autres ici. L'essentiel est que les autorités comprennent leurs erreurs parce que, nous, nous ne nous laisserons pas faire".
"Les politiques s'en foutent de nous"
"Personne n'est venu, aucun responsable politique… Personne…, déplore Sourour. On veut parler avec des responsables pour trouver des solutions radicales et efficaces, des projets pour les chômeurs: faire bouger les choses en définitive". Sourour comme les autres a participé à la révolution de 2011. En effet, la jeunesse de Kasserine, avec celle de Sidi Bouzid, a été la première à défier les policiers du régime de Ben Ali, bien avant Tunis.
"C'est grâce à nous, grâce à ces gens-là que Ben Ali a été destitué, que l'on a une démocratie, rappelle Kais, 28 ans. Mais, depuis, on n'a rien gagné de cette démocratie. On est très déçus". Et d'ajouter, très en colère: "Ils (les politiques, ndlr) s'en foutent de nous. Ils n'ont rien fait". Finalement, à Kasserine, depuis la Révolution de Jasmin, une seule chose à vraiment changer: la police. Celle-ci n’ouvre plus le feu à balle réelle sur les manifestants…