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La place de votre enfant autiste est au zoo, pas à l'école

Jean-Jacques Bourdin a recueilli ce vendredi les témoignages de deux mamans d'enfants autistes qui ont reçu des insultes pour avoir tout fait pour les scolariser dans une école "normale". L'une d'elle, Élodie, a posté ces insultes sur Facebook et a reçu des centaines de soutiens d'internautes scandalisés.

"Pour que Mathis ait droit au même respect que les autres enfants". Après avoir reçu des lettres d'insultes parce que son fils de trois ans et demi est autiste et scolarisé dans une école maternelle "classique", Élodie a décidé de créer une page Facebook "pour essayer de sensibiliser les gens à l'autisme".

Fin décembre, cette mère de quatre enfants qui habite à Capendu, petit village de l'Aude, reçoit un message sur son compte Facebook. Il concerne son fils autiste, Mathis : "Vous devriez avoir honte de l'avoir mis au monde car il n'est pas normal. Comment osez-vous le mettre à l'école normale ? Il n'est même pas propre (condition pour que l'enfant soit scolarisé, NDR)". Quelques jours plus tard, suivront d'autres messages, tout aussi agressifs et insultants. "Heureusement qu'il n'est pas sur la photo de l'école car il gâcherait tout". Faute d'assistante de vie scolaire, Mathis ne va à l’école que deux heures par semaine. Déjà trop, visiblement pour certains.

"Sensibiliser les gens sur l'autisme"

Pourquoi ces insultes ? Est-ce de la jalousie ? De la Gêne ? Ou simplement de la bêtise crasse ? "On a d'abord pensé à une jalousie puisque normalement les enfants qui ne sont pas propres ne sont pas acceptés à l'école. Donc on a laissé passer, raconte Élodie ce vendredi chez Jean-Jacques Bourdin. Mais au second message, plus haineux et menaçant, on nous a conseillé d'aller porter plainte". Sauf que sa plainte "a été refusée parce que cette personne ne nous a pas menacé de mort, n'a pas menacé de nous agresser et n'a pas touché à mon fils", se désole la maman.

De soutien, elle n'en obtiendra pas plus de la part du directeur de l'école où est scolarisé son fils, ni du maire du village. Le 15 janvier dernier, elle a donc choisi de partager ces messages haineux sur Facebook et de s'en remettre au soutien des internautes.

"Je voulais partager notre combat, sensibiliser les gens sur l'autisme, les aider à comprendre ce que c'est, et montrer ce à quoi on fait face".

Et les internautes ont été touchés, puisque "depuis, nous n'avons plus reçus de messages, plus d'insultes, mais beaucoup de soutiens." En effet, une heure à peine après la création du la page Facebook, elle avait déjà recueilli plus de 200 messages de soutien et avait été partagée plus de 5.000 fois.

"Le plus dur à vivre c'est le regard des autres"

Ces insultes, cette défiance, Olivia Cattan, présidente de l’association SOS autisme, connaît bien. "Ça m'est arrivé aussi, malheureusement", raconte-t-elle sur RMC. Elle se souvient de ce jour où un professeur l'a violemment interpellé. "Il m'a agressé en me disant que mon fils devait aller dans un zoo ou un asile psychiatrique mais certainement pas à l'école, et que les professeurs avaient autre chose à faire que de s'occuper d'enfants anormaux. C'était ses termes".

"Le plus dur à vivre c'est le regard des autres sur notre enfant", confirme Élodie. C'est pourquoi "il faut vraiment qu'on arrive à éduquer les gens en France", exhorte Olivia Cattan. "Il y a une ignorance totale. Il n'y a pas assez de campagne de sensibilisation".

"Les profs eux-mêmes, ne savaient pas comment s'y prendre avec mon fils, avaient peur de mal à faire. Je pense aussi que certains pensaient qu'il n'avait pas sa place. Aujourd'hui il a 10 ans et il a 16 de moyenne à l'école".

"Il faut qu'on laisse la chance à ses enfants de pouvoir accéder à cette école", insiste la présidente de l’association SOS autisme, elle qui n'a pu scolariser son enfant autiste que parce qu'elle rémunère de sa poche l'auxiliaire de vie scolaire qui l'encadre à l'école.

"Il y a 600.000 enfants autistes, on ne va pas les parquer"

Selon une enquête du "Collectif autisme" datant de 2014, 77% des enfants autistes n'ont pas d’accompagnement adapté et 70% des parents doivent financer eux même l'éducation et/ou la prise en charge de leurs enfants. "Il y a 600.000 enfants autistes, rappelle Olivia Cattan. On ne va pas les parquer. On ne va pas les mettre tous à l'hôpital. Il faut nous fournir des auxiliaires de vie, arrêter les promesses politiques bidons et agir".

Philippe Gril avec JJ. Bourdin