Le FN à l'assaut du bassin houiller de Moselle

Florian Philippot (à gauche), porte-parole de Marine Le Pen, est candidat en Moselle pour les législatives. Au coeur des anciennes Houillères de Lorraine, la sixième circonscription qu'il convoite et qui a donné au Front national son meilleur score dans l - -
par Gilbert Reilhac
FREYMING-MERLEBACH, Moselle (Reuters) - Le Front national aime les bassins miniers. Outre celui du Nord, où Marine Le Pen tente d'obtenir un siège à l'Assemblée nationale, son porte-parole, Florian Philippot est candidat en Moselle, au coeur des anciennes Houillères de Lorraine.
La sixième circonscription, qui a donné à Marine Le Pen son meilleur score dans le département au premier tour de la présidentielle, la plaçant en tête de tous les candidats avec 29,78% des voix, est considérée comme gagnable par le FN.
Dans ce continuum de cités minières qui s'étend jusqu'à la frontière allemande, avec Forbach et Freyming-Merlebach comme principaux pôles urbains, le déclin économique engendré par la fermeture des mines, en 2004, reste le problème numéro un.
Rues désertes, boutiques fermées, chômage élevé et population d'origine étrangère surreprésentée dans les cités d'après-guerre construites pour accueillir des mineurs : tous les ingrédients d'un malaise social sont ici réunis.
Florian Philippot, 30 ans et une allure de premier de la classe, joue de sa médiatisation durant la campagne présidentielle et de son parcours d'énarque pour convaincre les électeurs des vertus de son "parachutage".
"J'incarne le renouvellement, un député d'envergure nationale pour une circonscription qui se sent oubliée, qui se sent méprisée", affirme celui qui veut "un avocat du peuple".
CHEVÈNEMENT ET PASQUA POUR RÉFÉRENCES
Issu d'une famille d'instituteurs qui lui a transmis la fibre gaulliste, ses références ont été l'UMP Charles Pasqua, puis l'ancien ministre socialiste Jean-Pierre Chevènement, rejoint en 2002 pour son " patriotisme" et "son analyse politique disant qu'il n'y avait plus de clivage droite-gauche".
"C'est Marine Le Pen qui incarne ça aujourd'hui", dit-il.
Pour convaincre l'électeur, ce jeune homme au style décontracté, qui participe pour la première fois à une élection, s'emploie à discréditer ses principaux adversaires.
Le sortant, Pierre Lang, 65 ans, député-maire UMP de Freyming-Merlebach, tendance Nouveau centre, qui a déjà effectué trois mandats depuis 1993 ? "Un député fantôme qui fait un exercice d'autosatisfaction décalé".
Le socialiste Laurent Kalinowski, 57 ans, qui a gagné à l'UMP un siège de conseiller général en 2004 puis la mairie de Forbach en 2008 ? "Un candidat sans goût et sans saveur".
Pierre Lang, réélu en 2007 avec 65,26% des voix, reste serein.
Ce pharmacien-biologiste rappelle qu'en 2002 déjà, Jean-Marie Le Pen avait obtenu 29,32% des voix dans sa circonscription à l'élection présidentielle, ce qui ne l'avait pas empêché de l'emporter par 62% aux législatives.
Devant une vingtaine de personnes réunies dans une salle municipale de Stiring-Wendel, il s'emploie à défendre le bilan de Nicolas Sarkozy, tout en répliquant au candidat Bleu Marine qui l'accuse de nier les problèmes de chômage et d'insécurité.
"Nous avons 20% de chômage en plus qu'au niveau national (11,7% fin 2011). Mais on nous a supprimé 14.000 emplois en 10 ans (de 1994 à 2004) aux Houillères", rappelle-t-il.
"CE QU'IL FAUT, C'EST DES EMPLOIS"
Quant au "fantasme de l'insécurité", il en sourit : "Comparé aux chiffres de la région parisienne, on est au tiers".
"Le Front national essaye d'instrumentaliser la désespérance et la colère", juge pour sa part Laurent Kalinowski.
"Notre circonscription ne doit pas servir de rampe de lancement à un parachuté opportuniste, en mal d'une carrière politique", dit ce fils de mineur, enseignant à la retraite, devant le Premier ministre Jean-Marc Ayrault venu le soutenir.
S'il attribue une part de cette désespérance au bilan du député sortant et de Nicolas Sarkozy, lui aussi souligne les conséquences négatives de la mono-industrie et du "Pacte charbonnier" qui a mis à la retraite des quadragénaires dont les enfants sont aujourd'hui chômeurs.
Sur le terrain, la campagne de Florian Philippot ne rencontre pas moins un écho certain.
"Il y a des personnes âgées qui sont agressées", explique une bouchère de Freyming-Merlebach où il est venu distribuer des tracts. "J'aime bien Marine Le Pen, le troisième âge est avec vous", claironne la cliente d'une pharmacie.
"Nous sommes une espèce en voie de disparition", lui dit Patricia Daniel, qui tient une boutique de vêtements.
"C'est sûr qu'il est Parisien, énarque et qu'il a de la prestance, mais ça ne suffit pas. Ce qu'il nous faut, c'est des emplois", estime toutefois son mari, Dominique, qui ne sait toujours pas pour qui il va voter.
Edité par Yves Clarisse