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Loi sur le renseignement: "On est en train de faire 1984 en vrai"

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Tristan Nitot, membre du conseil national du numérique, a annoncé ce mardi chez Jean-Jacques Bourdin le lancement du mouvement "ni pigeons, ni espions", qui regroupent des entreprises du net opposées au dispositif des boîtes noires chargées de surveiller les connexions des internautes, et prévues dans le projet de loi sur le renseignement.

C'est une des mesures de la loi sur le renseignement débattue depuis lundi à l'Assemblée nationale, et qui présente les mesures pour lutter contre le terrorisme suite aux attentats de janvier. Le texte prévoit l'installation de "boîtes noires" chez les fournisseurs d’accès (Orange, Free, Bouygues, SFR…) ou chez les hébergeurs de données internet (ex: OVH, entreprise française numéro 1 européen du secteur). Objectif : épier les communications des internautes pour repérer des comportements suspects en ligne.

La boîte noire agira comme un filet : si l'internaute ne répond pas aux critères définis comme suspects, il pourra continuer sa navigation sans problème. En revanche, si certains éléments de sa navigation paraissent suspects (notamment des mots clé tapés dans un moteur de recherche) la connexion sera détectée et le Groupement interministériel de contrôle (GIC) pourra demander au fournisseur d'accès l'identité de l'internaute, afin d'ouvrir une enquête.

"Qu'on le veuille ou non, nous serons sous surveillance"

Inacceptable pour Tristan Nitot, membre du conseil national du numérique. Lui-même entrepreneur dans le domaine d’internet, il travaille pour l’entreprise Cosy Cloud. "Ces boîtes noires, ce sont des espions chargés de détecter les mouvements suspects, mais cette notion de mouvements suspects est classée secret défense, a-t-il expliqué ce mardi chez Jean-Jacques Bourdin. Mais si je vais sur la page jihad de Wikipédia parce que je fais un exposé pour l'école ou que je veux en parler à mes enfants, est-ce que je fais un mouvement suspect ?"

"Qu'on le veuille ou non, nous serons sous surveillance (…). Ça touche notre vie privée, parce que nos données personnelles sont en ligne", insiste Tristan Nitot, qui assure : "On est en train de voter ce qui va faire de la France un 1984 (le roman de Georges Orwell, NDR), en vrai, et tout le monde s'en fout".

"Nous ne voulons pas être les espions qui installent ces boîtes noires"

"C'est aussi une question d'économie, parce que si les utilisateurs se méfient d'Internet et des ordinateurs qui sont en France parce qu'ils sont soumis à ces boîtes noires, on pousse nos hébergeurs à se délocaliser, ce qui aura un impact sur l'emploi", prévient Tristan Nitot. D'ailleurs, plusieurs hébergeurs de données Internet, comme OVH, Gandi, IDS, Lomaco, Ikoula, menacent de délocaliser leurs activités si la disposition est adoptée par les parlementaires. Ils ont même crée un mouvement de protestation : "Ni pigeons, ni espions". "Nous ne voulons pas être les espions qui installent ces boîtes noires".

P. Gril avec JJ Bourdin