Maladies rares: "Les blouses blanches partout, quand on est enfant, c'est traumatisant"

La plupart des maladies rares sont d'origine génétique, et pour la majorité, il n'existe aucun traitement. (Photo d'illustration) - AFP
"Ensemble, faisons entendre la voix des malades": c'est le slogan de la 9e journée internationale des maladies rares, qui se tient aujourd'hui. Il existe environ 7.000 maladies que l'on appelle rares, recensées dans le monde. La plupart sont d'origine génétique, et pour la majorité, il n'existe aucun traitement. En France, 3 millions de personnes sont touchées.
Cette journée mondiale est organisée par l'Alliance Maladies Rares, une fédération de plus de 200 associations de malades. L'occasion pour l'organisation de lancer un appel au gouvernement pour mettre en œuvre un 3e plan national maladies rares.
"C'est à la fois de l'argent, mais c'est aussi une volonté politique, pour aller plus loin dans l'égalité des soins", explique Paulette Morin, déléguée régionale Ile-de-France de l'Alliance Maladies Rares, qui attend beaucoup du gouvernement. "Pour nous, c'est vital".
"Des temps d'errance de diagnostic jusqu'à cinq ans"
Depuis 2004, deux plans se sont succédé, permettant de réels progrès dans la prise en charge de ces maladies. Mais les défis à relever restent immenses: accès équitable au diagnostic et à une prise en charge sur tout le territoire, information des patients et des professionnels, développement de traitements et enjeux industriels.
"On est encore trop nombreux à ne pas avoir de diagnostic, à avoir des temps d'errance de diagnostic jusqu'à cinq ans!", reprend Paulette Morin , elle-même atteinte du syndrome de Marfan C'est beaucoup trop long quand on n'a pas de prise en charge, quand quelques fois on vous dit: 'c'est psychologique, tu ferais bien de te faire soigner'. C'est du temps perdu, et c'est l'aggravation de la pathologie".
"J'ai perdu 40 kilos en six ans"
Comment vit-on aujourd'hui avec une maladie rare? Quelles sont les attentes des malades? RMC a rencontré plusieurs patients, qui se sont confiés. Fanny, 30 ans, est malvoyante. Elle est atteinte du syndrome de Bardet-Biedl, une maladie rare aux symptômes très variables.
"J'ai eu une greffe rénale il y a 22 ans", précise-t-elle. "Dans mes symptômes, il y a aussi l'obésité, que j'ai réussi à limiter. J'ai perdu 40 kilos en six ans", raconte la jeune femme, qui se bat contre un véritable mystère médical, contre lequel il n'existe aucun de traitement.
"Je ne peux pas vous embaucher"
Autre souffrance pour les malades: la très grande difficulté d’accès à l’indépendance. Malgré son handicap, Fanny a fait des études. Elle est diplômée en secrétariat juridique. Elle a beau envoyer des CV à des cabinets d’avocats, rédiger des lettre de motivations expliquant son handicap mais aussi ses compétences, elle n’a été rappelée qu’une seule fois. Et la responsable du cabinet a été très claire avec elle:
"Votre maladie me fait peur, je ne sais comment adapter le poste de travail à votre condition, je ne peux pas vous embaucher", lui a-t-elle répondu tout de go.
Résultat: à 30 ans, Fanny vit toujours chez sa mère, une situation qui la fait beaucoup souffrir.
"Je crois que les gens ont peur parce qu’ils ne savent pas", poursuit-elle. Une maladie rare, ils ne savent pas ce que c’est. Du coup, ils ne sont pas prêts à accepter des personnes comme nous. Différentes".
"On ne vit pas comme les autres"
Sandrine, 50 ans, est atteinte, elle, du syndrome de Marfan.
"Les médecins faisaient cours sur moi, donc c'est hyper impressionnant quand on est enfant", se remémore-t-elle. "Les blouses blanches, partout, c'est traumatisant. Mon quotidien, ce sont les douleurs articulaires et la fatigue. C'est super dur. On ne vit pas du tout comme les autres personnes".
Sandrine, est une très grande femme - c’est l'un des symptômes – qui porte un corset et marche péniblement avec une canne. Son squelette et ses organes sont très abîmés par la maladie. Mais elle a la chance d’exercer une activité en télétravail, et c’est très important pour elle:
"Je ne suis pas bonne à rien faire!", ajoute-t-elle. "Mon corps ne marche pas mais ma tête, elle, fonctionne parfaitement. Mon fils fait encore des études, il faut que je puisse le financer".
"J'avais peur de transmettre la maladie à mon enfant"
La plupart des maladies rares sont génétiques. C’est le cas du syndrome de Marfan, qui a une chance sur deux de se transmettre de la mère à l’enfant. Son fils, Maxime, a 20 ans. Et il a hérité de la maladie. Le diagnostic est tombé lorsqu’il avait trois ans. Sandrine s’est effondrée.
"Je ne voulais pas d’enfant, j’avais trop peur de transmettre la maladie. Mais le papa voulait. C’est très dur pour une maman", confie-t-elle.
Depuis, Maxime est suivi de près, comme elle. Il a subit de multiples interventions chirurgicales, dont une lourde opération de l’aorte, il y a presque deux ans. La connaissance, et donc la prise en charge des maladies rares, sont très variables selon le lieu de résidence. Sandrine n'a pu qu'en faire le triste constat. Jusqu’à ses huit ans, elle vivait à Paris avec ses parents, où elle était très suivie par les médecins.
Inégalités de traitement sur le territoire
Et puis un jour, la famille a déménagé dans une petite commune du Nord de la France. Et là, aucun professionnel de santé n'avait entendu parler du syndrome de Marfan: ni le médecin généraliste, ni l’ophtalmologiste. Les parents de Sandrine étaient totalement démunis.
"Ma maman devait demander systématiquement au médecin de regarder dans leur dictionnaire médical, d’apprendre, avant de m’ausculter!", explique-t-elle.
Aujourd'hui, Sandrine se bat pour faire sa reconnaître leur maladie mais surtout pour que la recherche avance.