"Merci patron!": comment le journaliste François Ruffin a piégé Bernard Arnault
Jocelyne et Serge Klur travaillaient dans une usine qui fabriquait des costumes Kenzo (LVMH). Mais voilà, le coût de la main-d'œuvre revenait à environ une trentaine d'euros pour des costumes vendus 1.000 euros en boutique. L'usine est donc délocalisée en Pologne, puis en Bulgarie. 147 salariés se retrouvent sur le carreau. Dont les Klur.
C'est à ce moment-là que le journaliste François Ruffin rencontre le couple. Ils vivent de petites missions dans des usines et sont sur le point de perdre leur maison, engouffrés dans une spirale de dettes. Le journaliste passe un deal avec les Klur: il fera tout "pour les sortir de la merde", mais il fera un film.
François Ruffin se souvient du début du tournage dans Bourdin Direct: "Je cherche d'abord à interpeller Bernard Arnault à l'assemblée générale des actionnaires. Mais comme on est repérés on est mis dans une salle à part, on ne peut pas s'adresser à lui".
"Un émissaire sorti des Tontons Flingueurs"
Echec, mais le journaliste décide de "mettre en place une ruse pour appâter LVMH", et là il assiste à une scène digne d'un film d'espionnage: "Ils envoient un émissaire chez les Klur, qui ressemble à un barbouze sorti des Tontons Flingueurs. Cet émissaire débarque chez ce couple pour acheter le silence et de ne pas raconter leur histoire qui risquait de faire pleurer dans les chaumières".
"Bernard Arnault était sur le point d'avoir la nationalité belge, ça avait déjà fait du bruit, il ne fallait pas qu'il ait un scandale social sur les bras", analyse François Ruffin. "Acheter le silence est une pratique courante mais là on a planqué des micros et des caméras et on assiste aux transactions comme si on était dans un roman d'espionnage", raconte-t-il aussi.
Mais ce documentaire n'est pas misérabiliste, au contraire, François Ruffin a voulu "faire une comédie qui fait du bien aux gens, qui les fait rire", tout en voulant montrer "une France invisible, une France qui est en souffrance".
"Je pense qu'à travers ce documentaire, on comprend le vote Front national dans certaines régions. On ne peut pas imposer une telle souffrance sociale aux gens sans que cela produise des dégâts psychologiques qui entrainent des conséquences psychologiques", juge-t-il enfin.