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Ne confondons pas éthique gouvernementale et marketing politique

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Le gouvernement Ayrault impose aux ministres une charte déontologique qui interdit notamment les conflits d'intérêt, le cumul des mandats et les violations du Code de la route. Des mesures d'éthique... ou de marketing ?

Difficile de ne pas souscrire à l’intention de cette charte déontologique : les ministres doivent donner l’exemple, s’efforcer être irréprochables. On peut regretter qu’il faille leur faire signer un document – qu’un ministre s’engage à être intègre, ça devrait aller de soi. Dans le cas présent, l’effort de codification va au-delà : le texte fixe la valeur des cadeaux acceptables pour les ministres, le mode de transport qu’ils doivent choisir, les invitations qu’ils doivent refuser... C’est aller très loin (trop loin ?) dans le détail, pas assez dans les principes. Si l’on veut vraiment faire avancer la morale, il ne faut pas s’en tenir aux proclamations.

Dans ce texte, il y a de l'excessif et de l'insuffisant ?

Prétendre que les cortèges officiels s’arrêtent aux feux et observent les limitations de vitesse, c’est démagogique. Si un ministre a une réunion urgente, on peut admettre qu’il ne reste pas dans les embouteillages. La baisse des salaires, elle, est un signal de solidarité ; mais elle induit que les ministres ne méritent pas leur rémunération – et s’il s’agit d’« exemplarité », les fonctionnaires seraient-ils d’accord pour baisser leurs propres salaires ? Au-delà du marketing, ce qui manque, ce sont des sanctions – sans quoi, aucune règle n’est efficace. Des incriminations spéciales et des peines aggravées en cas de faute pénale. Et par exemple la transparence sur toute décision d’un ministre relative à sa ville ou à sa circonscription. La meilleure surveillance, c’est celle des citoyens.

Sur la question des conflits d’intérêts, est-ce que le gouvernement en fait trop ou pas assez ?

La charte va dans le bon sens, mais il y a un test très simple : un projet de loi a été présenté en juillet 2011 au Conseil des ministres, pour réglementer ces questions. C’était une promesse de Nicolas Sarkozy pendant l’affaire Bettencourt : le texte n’a jamais été présenté à l’Assemblée. Le nouveau gouvernement pourrait le reprendre tel quel. Un autre sujet sur lequel on vérifiera la volonté d’éthique : le comportement douteux de grands élus locaux comme Jean-Noël Guérini à Marseille, que le corporatisme politique, à droite comme à gauche, protège trop souvent. Le PS n’a pas beaucoup montré l’exemple sur ce point.

Il y aussi, dans cette charte, une disposition qui interdit aux ministres d’exprimer un désaccord avec une décision du gouvernement...

On pourrait l’appeler la clause Chevènement – « Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne ». En fait, c’est l’aboutissement de la campagne de François Hollande : bien des points ont été laissés dans le non-dit et les idées les plus contradictoires sont représentées au gouvernement – sur les déficits, l’Europe, le protectionnisme, la sécurité… Sous couvert d’éthique, on passe de la diversité à la discipline – à la caporalisation ? Sous Jospin (et Chevènement) les ministres parlaient beaucoup. Désormais, silence. Ce ne sera pas la gauche plurielle mais la gauche… plus rien !

Pour écouter le Parti Pris d'Hervé Gattegno ce vendredi 18 mai, cliquez ici.

Hervé Gattegno