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"Bloquons-tout" le 10 septembre: quelle implication réelle de LFI et des syndicats dans le mouvement?

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C'est ce mercredi 10 septembre que démarre le mouvement "bloquons-tout". Un mouvement social né sur Internet, hors du cadre des syndicats et des partis politiques. Ces derniers sont pourtant accusés de récupération: qu'en est-il vraiment?

C’est ce mercredi 10 septembre que les Français sont appelés à “tout bloquer”. Un mouvement social qui s’est lancé en dehors des syndicats et qui se veut apartisan. Mais est-ce vraiment le cas? Est-ce que “Bloquons-tout” n’a pas été récupéré?

Ce qui est certain c'est que ce mouvement s’est "gauchisé", surtout depuis que le Parti socialiste, les Écologistes et surtout la France insoumise ont appelé à le soutenir. Et c'est ce qui a pu dissuader certains Français d’y participer. C’est le cas de Valérie, originaire de Nouvelle-Aquitaine, en recherche d'emploi, et plutôt à droite. Elle était intéressée au départ: "Je trouvais que c’était une bonne idée que ça parte de la base", salue-t-elle.

"Ce que je déplore c’est qu’à chaque fois qu’un mouvement comme les ‘gilets jaunes’ partent de la base, tout de suite il faut que se greffent certains partis politiques, certains syndicats parce qu’ils disent: 'Il faut coordonner'. Nous aussi on a des attentes à faire remonter…", lance-t-elle.

"Je pense que les gens, s’ils en ont assez, s’ils se sont affranchis des politiques, c’est qu’ils y croient de moins en moins”, appuie-t-elle.

Dans les soutiens de “Bloquons-tout”, on trouve surtout des électeurs très à gauche donc plutôt proches des idées de LFI. Mais l’organisation stratégique du mouvement se fait bien en dehors du cadre du parti et les décisions sont prises lors des assemblées générales et sur les dizaines de groupes de discussions en ligne. C'est vraiment un mouvement impulsé par la base.

Quelles consignes transmises aux militants LFI?

Mais c'est vrai qu'on croise quand même beaucoup de syndicalistes et de militants LFI dans ces assemblées, surtout en Île-de-France, mais ils font profil bas. Un député LFI nous le confie, la consigne a été passée aux militants. En gros c'est: “Vous soutenez, vous donnez un coup de main mais sans drapeau LFI”.

Et ça se vérifie par exemple à l'AG dans le centre de Paris. Les signes distinctifs d’appartenance à un parti ou à un syndicat sont inexistants. Un autre député LFI explique qu'il ne participe pas aux AG car il n'a pas envie que ça passe pour de la récupération. Et surtout il sait que pour tirer les marrons du feu, il suffit d'aider le mouvement à grossir depuis les coulisses.

"L'idée, c'est de les amener vers nos revendications et notre manière de voir les choses", assure-t-il.

Autrement dit: que la ligne politique de LFI s'installe dans le décor.

Utiles à l'organisation du mouvement?

Paradoxalement, les participants sont souvent des gens politisés, dans le sens où ils s'intéressent à la politique, mais il y a chez eux une forte défiance vis-à-vis des partis. Et pourtant ils savent aussi que les partis, en l'occurrence LFI, ont des moyens et peuvent être utile à l'organisation du mouvement: c'est ce que résume Clément, il est membre du mouvement à Dinan, dans les Côtes-d'Armor.

“J’ai pas l’impression que LFI essaye de phagocyter le mouvement, de prendre le lead. Ce n’est pas l’idée. Le mouvement doit partir de la base. Après si les partis politiques apportent leur expertise pour tracter, pour faire des collèges, c’est une bonne idée. Mais l’idée ce n’est pas qu’il y ait de la récupération politique ni par les syndicats, ni par les partis politiques”, assure-t-il.
Le choix de la rédac : Le 10 septembre, un mouvement déjà récupéré par LFI ? - 09/09
Le choix de la rédac : Le 10 septembre, un mouvement déjà récupéré par LFI ? - 09/09
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Les syndicats présents mais également en restant en retrait

Pour beaucoup de soutiens de “Bloquons-tout”, la seule institution à peu près valable ce sont les syndicats. Dans les Assemblées générales, beaucoup de syndicalistes s’expriment en se présentant comme syndicalistes, mais attention, ils se revendiquent de la base. Exemple concret lors d'une autre Assemblée générale dans le nord de Paris jeudi dernier, et qui rassemblait environ 400 personnes. Les prises de paroles se succèdent et soudain un militant syndical hospitalier a des mots très durs envers les grandes confédérations syndicales, les maison-mères. Il les accuse de ne pas s'être ralliées à la date du 10 septembre, d'être éloignées du terrain.

Et puis il y a aussi le sentiment que leurs méthodes ne sont pas efficaces. Avec le traumatisme de la mobilisation contre la réforme des retraites, on s'en souvient: une douzaine de dates de grève, des millions de gens dans la rue, et au final un échec puisque la réforme est quand même passée.

Des syndicats qui appelent à la grève... la semaine prochaine

La position des syndicats est d’ailleurs assez difficile à comprendre. En effet, ils appellent à se mettre en grève mais la semaine prochaine seulement. Cette décision d'appeler à la grève jeudi dans une semaine a été prise par l'intersyndicale, c'est-à-dire l'ensemble des 8 maisons-mères, et la CFDT ne voulait pas être associée au 10 septembre. "La désobéissance, ce ne sont pas nos méthodes" a dit sa numéro 1. Trois syndicats soutiennent quand même “Bloquons-tout” et ont déposé des préavis pour couvrir légalement les grévistes: la CGT, la FSU (le syndicat des enseignants), et Solidaires. La co-déléguée générale de ce syndicat, Muriel Guilbert, explique que ses adhérents participent au mouvement, mais avec retenue là encore.

“Pour nous ce n’est pas prendre la parole en premier, ce n’est pas imposer la grève absolument. C’est au contraire être dans l’écoute. On a des moyens organisationnels ou parfois même prêter des locaux pour les réunions. Ca peut aussi être organiser le service d’ordre de protection des manifestants. On peut créer un réel rapport de force”, appuie-t-elle.

Les moyens sont donc mis à disposition mais sans prendre les rênes du mouvement donc. Et c’est aussi ce qui explique que son organisation soit pour le moment aussi déstructurée, ça part un peu dans tous les sens parce que personne n’ose s’imposer par crainte d'être accusé de récupération.

Victor Joanin avec Guillaume Descours