Ne laissons pas les Anglais détruire l'Europe

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Après le choc du Brexit, les dirigeants européens demandent à David Cameron d’enclencher au plus vite le processus de sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. C’est aussi votre avis. Votre parti pris: ne laissons pas les Anglais détruire l’Europe. Que voulez-vous dire?
Les Britanniques ont voté pour sortir de l’Union Européenne. Il ne serait ni logique, ni moral, ni efficace de ne pas leur montrer la sortie tout de suite. En réalité, ils n’ont jamais entièrement adhéré à l’Europe. Ils ont voulu y entrer quand leur économie en a eu besoin et maintenant, une majorité d’entre eux a le sentiment inverse. Mais ils ont refusé l’euro et ils ont négocié des tas d’exceptions, ce qui fait qu’au total, ils ont plus profité de l’Union Européenne que pâti de l’UE. En toute logique, leur vote devrait se retourner contre eux – leur économie est déjà ébranlée. Donc (pour renverser la fameuse formule), les Anglais se sont tirés les premiers ; ce n’est pas eux qui s’en tireront le mieux.
Le problème, c’est qu’il n’y a pas de précédent et que la procédure (le fameux article 50 du traité de Lisbonne) n’est pas claire. Comment faire pour accélérer malgré tout?
Faire pression sur le Premier ministre anglais pour qu’il actionne la clause de retrait – c’est en cours et c’est bien normal. Ensuite, la Commission européenne peut décider de mesures d’urgence: c’est un cas sans précédent et on voit mal le Royaume-Uni saisir la cour de justice européenne pour protester parce qu’on le pousse vers la sortie… La première conséquence que les Européens doivent tirer du Brexit, c’est de préférer l’efficacité à la bureaucratie – il n’y aurait rien de pire qu’un enlisement du processus ; ça donnerait une fois de plus l’impression que quand un pays dit non, il ne se passe rien. L’UE a du mal à se construire, il faut au moins qu’elle soit efficace pour se déconstruire.
Dans plusieurs pays dont la France, il y a une demande d’autres référendums similaires à celui des Britanniques pour choisir de rester ou non dans l’Europe. Est-ce que ça peut être le cas en France?
On aurait tort d’écarter l’idée. L’UE a un problème démocratique persistant: on n’a pas assez consulté les citoyens. Et quand on l’a fait, en 2005, on n’a pas tenu compte de leur vote. Résultat: plus on a élargi l’union, plus sa légitimité s’est rétrécie. Donc il ne faut pas laisser aux populistes le monopole de cette exigence. Mais il faut créer les conditions d’un vote positif – parce que le paradoxe, c’est que toutes les peurs qui motivent le rejet de l’Europe (terrorisme, immigration, chômage, la finance folle), aucun pays ne peut y répondre seul – malgré toutes ses lacunes, c’est l’Europe qui a les solutions. Donc il faut arrêter de protéger l’Europe de ses citoyens, il faut convaincre les citoyens que c’est l’Europe qui peut nous protéger.