RMC

Patron d'une agence d'alibi, j'ai même eu un candidat à une récente primaire comme client

-

- - Courtesy of TF1 Studio

Le film Alibi.com sort ce mercredi au cinéma. A cette occasion, RMC.fr a contacté Gérard N., détective privé et fondateur de l'agence d'alibi mon.alibi.free.fr, le premier site d'alibi créé en France, en 2004, afin de connaître les dessous d'une profession méconnue.

Gérard N., détective privé, a fondé, en 2004, la première agence d'alibi en France, mon.alibi.free.fr:

"J'ai créé ce site, le premier en France, en 2004. Depuis, au moins 20 agences ont été lancées et 20 autres sont mortes et, avec la sortie du film MonAlibi.com, 20 autres vont se créer. En effet, beaucoup de gens pensent qu'ils vont gagner des millions avec ce type de business. Alors que ce n'est pas du tout le cas: ce n'est pas une activité rentable dans la mesure où beaucoup de gens veulent des alibis mais ne veulent pas les payer, parce qu'ils trouvent ça trop cher. Ils n'ont jamais les moyens de leurs ambitions. En réalité, on n'en tire pas un salaire.

"Un bon alibi doit avoir une part de faux mais aussi un part de vrai"

Moi, à côté, je suis détective privé depuis plus de 30 ans. Je traque donc le mensonge. Et, un jour, je me suis dit: 'Si je traque le mensonge, pourquoi ne pas en inventer?'. Mais mon agence d'alibi n'est pas ma ressource majeure de profits. D'autant plus que je suis sélectif dans ma clientèle. Dès que le client m'a contacté pour me demander une demande d'alibi, la première chose que je fais, c'est d'en discuter avec la personne. Cela me permet ainsi d'éliminer les demandes fantaisistes.

Il y a plein de gens qui, à 3h00, après une soirée arrosée, me contactent juste pour déconner entre copains. Je reçois régulièrement des demandes débiles. J'ai donc besoin de m'entretenir avec les gens pour comprendre ce qu'ils veulent et savoir si on est dans le respect de la loi, s'il s'agit bien d'une excuse, d'un gros mensonge. J'ai besoin de m'assurer que l'on va faire quelque chose qui corresponde le mieux à la situation. Donc on va la décortiquer ensemble de façon à trouver le meilleur alibi possible. Parce qu'un bon alibi doit avoir une part de faux mais aussi une part de vrai. On peut en effet bien s'embourber dans son mensonge si on ne se raccroche pas à une part de vérité.

"90% des appels sont pour des demandes suite à des écarts sentimentaux"

Ensuite, je donne aux gens les techniques pour pouvoir utiliser au mieux l'alibi. Ça ne sert à rien de prendre un alibi si on le fait bêtement et que l'on se fait piquer. Tout ça se passe donc durant l'entretien, qui est toujours téléphonique et jamais physique. Et j'estime que cet échange est la partie la plus importante du métier. Cela me permet aussi, parfois, de me rendre compte que la personne a d'autres soucis que l'alibi. Des gens perturbés, en phase de divorce qui trouvent des solutions pour piéger leur femme ou leur mari. Dans ces cas-là, je les renvoie vers un coach conjugal avec qui je travaille.

Je ne fais pas des alibis pour tout ce qui touche à des tiers: le travail, les assurances, un accident… Tout ce qui n'est pas de la vie privée, je ne le fais pas parce que ça tombe sous le coup de la loi. Le but de l'entretien téléphonique est donc de bien comprendre qu'il ne s'agit pas d'un tiers ou, dans un couple, que l'on n'agit pas pour nuire. Pour le reste, 90% des appels sont pour des problèmes de couple, des demandes suite à des écarts sentimentaux.

"Plus de 2.500 demandes d'alibi traitées"

A ces personnes, je fournis des alibis allant du faux séminaire au faux week-end en thalasso en passant par la facture de plein d'essence ou encore l'appel d'une secrétaire ou d'un collaborateur faisant croire à une réunion de travail. On invente un séminaire de A à Z, on ne fait pas un faux d'un vrai. Je crée le logo, l'ordre du jour, etc. Mais je vais faire en sorte de le situer dans une ville ou un lieu réputé pour accueillir des séminaires. Chaque document est vendu au minimum 49 euros mais un alibi peut contenir plusieurs documents donc il n'y a pas vraiment de montant précis.

Il y a aussi des opérations spéciales qui demandent plus de moyens et qui sont donc facturées plus cher. Ainsi, j'ai récemment fait un alibi qui a coûté plus de 1.000 euros. Ma clientèle est très large: elle va du cantonnier au patron du CAC 40 en passant par des hommes politiques. J'ai par exemple eu quelqu'un qui a participé à une des primaires de ces derniers mois. Au total, depuis 2004, j'ai reçu plus de 2.500 demandes d'alibi. Mais ça ne veut pas dire que je les ai toutes traitées…"

Propos recueillis par Maxime Ricard