Joséphine Baker au Panthéon: ce que vous ne savez (peut-être) pas
Résistante, militante antiraciste, artiste. Et la France avant tout. Quarante-six ans après sa mort en 1975, Joséphine Baker revient en pleine lumière mardi en entrant au Panthéon pour y rejoindre les grandes figures françaises grâce à sa vie "incroyable" d'artiste de music-hall, de résistante et de militante antiraciste.
"Me revoilà Paris": l'une des plus célèbres chanson de la diva retentira à 17h30 pour lancer la cérémonie solennelle devant le grandiose édifice néo-classique, considéré comme "le temple laïc de la République".
"Toutes les audaces"
Femme, noire, artiste de scène et née à l'étranger, Joséphine Baker ne sera que la sixième femme - sur 80 personnages illustres - à y entrer après Simone Veil en 2018.L'intérêt est marqué également à l'international avec de nombreux journalistes de médias étrangers accrédités pour la cérémonie. A New York, l'emblématique gratte-ciel Empire State Building s'est allumé aux couleurs bleu blanc et rouge lundi soir pour honorer la diva née aux Etats-Unis.
Dans son discours, Emmanuel Macron doit rendre hommage à cette femme qui "a eu tous les courages et toutes les audaces". "Elle est assez synthétique de ce qu'être française, elle qui était Américaine (...) Elle est impressionnante de modernité", a-t-il résumé dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux.
C'est la troisième "panthéonisation" décidée par Emmanuel Macron, qui a déjà fait entrer dans la nécropole laïque Simone Veil en 2018 puis en 2020 l'écrivain Maurice Genevoix et "Ceux de 14" tombés pendant la Grande Guerre.
Et la cérémonie est forcément historique: la célèbre meneuse de revue, née dans le Missouri en 1906, décédée en 1975 sera la première femme noire à reposer dans la nécropole laïque et seulement la sixième femme à y prendre place. Une femme, noire, résistante, militante, francs maçonne, bisexuelle, artiste de music-hall entre au Panthéon: elle fait désormais partie des grandes figures pour lesquelles la partie est reconnaissante. Pas sûr que cela plaise à tout le monde.
Un soutien-gorge d'espionnage
Son histoire, c'est celle d’une petite fille du Missouri née très pauvre, qui commence à faire des ménages à 7 ans et qui se marie une première fois à 13 ans avec un garçon du même âge. Elle est remarquée pour ses qualités de danseuse. Elle intègre une revue, traverse l’atlantique pour une tournée, découvre la France et tombe amoureuse de Paris à l’âge de 19 ans. Elle chante et danse dans la "Revue Nègre", spectacle que l’on dirait aujourd’hui horriblement raciste. Elle n’est vêtue que d’une ceinture de banane et déclenche les passions.
Arrive la guerre en 39. Elle a été naturalisée Française deux ans avant, elle intègre les services secrets de la France Libre. C’est une espionne de luxe. Elle profite de sa notoriété pour traverser les frontières et faire passer des documents. Elle transmettra une liste d’espions nazis à des agents anglais, liste cachée dans son soutien-gorge. Elle passe l’essentiel de la guerre au Maroc mais loue un château en Dordogne qui accueillera des maquisards et cachera des Juifs.
A Alger, De Gaulle lui remet une médaille, puis elle reçoit la Croix de guerre 39-45, la Légion d’honneur. Mais quand elle retourne aux Etats-Unis, elle redécouvre le racisme. Elle n’a pas le droit de fréquenter les restaurants des blancs. Une fois, un ami arrive à l’imposer pour un dîner dans un club huppé mais les serveurs refusent de la servir. Ce jour-là, elle a fait un énorme scandale. En 1963, elle participe à la marche des droits civiques avec Martin Luther King: elle est la seule femme à prendre la parole devant l’immense foule à Washington.
En France, elle a adopté 12 enfants de toutes origines. Elle les élève dans son château de Dordogne mais elle gère mal ses affaires. En 1969, elle est ruinée, son château est saisi, elle n’a plus le droit que d’occuper la cuisine.
Son repos éternel à Monaco
Brigitte Bardot et Jean-Claude Brialy vont lui venir en aide, mais finalement c’est Grace Kelly, l'actrice américaine - devenue Grace de Monaco - qui va la sauver et lui offrir un appartement. C’est pour cela qu'elle est enterrée depuis 1975 à Monaco. Et Joséphine va y rester.
La dépouille mortelle ne sera en effet pas dans le cercueil, puisque sa famille a décidé de la laisser reposer dans le cimetière marin de Monaco, aux côtés de son dernier mari et de l'un de ses enfants. C'est donc un cénotaphe (tombeau ne contenant pas le corps) qui sera installé dans le caveau 13 de la crypte, où se trouve déjà l'écrivain Maurice Genevoix, entré au Panthéon l'an dernier.
Symboliquement, ce cénotaphe a été rempli de poignées des quatre terres qui "étaient chères à Joséphine Baker": sa ville natale de Saint-Louis, Paris où elle connut la gloire, le château des Milandes (Dordogne) où elle installa sa tribu "arc-en-ciel", et Monaco où elle termina sa vie.