Réouverture de Notre-Dame de Paris: "C’est bien plus qu’une église, c’est un lieu de pouvoir"

Notre-Dame de Paris, c’est bien plus qu’une église, bien plus que du patrimoine. Notre-Dame, c’est un lieu de pouvoir. Elle est dédiée à la gloire de l’Etat et de la France depuis très longtemps. Ça reste quand même un lieu de culte, mais très particulier. La France se l’est appropriée il y a déjà plusieurs siècles. En 1638, Louis XIII adopte un texte législatif qu’on appelle le "vœu de Louis XIII". C’est un règlement où le roi décide que les cathédrales seront désormais dédiées à la gloire de la France. Évidemment, Notre-Dame de Paris devient une pièce majeure de ce dispositif. Et à partir de là, dès qu’il se passe un truc important, quand le roi a un enfant ou quand on gagne une bataille par exemple, on fait chanter une messe à la gloire du pays dans Notre-Dame. Ça se traduit aussi administrativement puisque maintenant, la cathédrale dépend directement du Conseil du roi, et plus de l’Eglise et de son institution.
Sous la Révolution, on abandonne un peu Notre-Dame. En réalité, les révolutionnaires ne savent pas trop quoi en faire. La cathédrale est dégradée, saccagée, un peu laissée à l’abandon. Elle va même avoir un usage complétement improbable. Ça va devenir un entrepôt de tonneaux de vin. Mais quelques années plus tard, elle redevient un lieu de pouvoir. Napoléon se fait sacrer empereur dans Notre-Dame de Paris en 1804. Et pendant son sacre, tenez-vous bien, il jure de garantir… la liberté des cultes! Donc, après avoir servi les rois, la cathédrale sert désormais la République.
En France, Dieu est permis, à condition d’être d’abord au service de l’Etat
Finalement, Notre-Dame, ça n’a pas grand-chose à voir avec la laïcité. C’est un débat complétement à côté de la plaque. Et d’ailleurs, la fameuse loi de 1905 sur la laïcité le confirme: l’Etat est propriétaire de la cathédrale. Point barre. C’est un symbole national. En 1945, quand Paris est libérée de l’occupation allemande, les cloches de Notre-Dame raisonnent dans la capitale. Et quand le général de Gaulle entre dans Paris deux jours plus tard, il se précipite à Notre-Dame pour fêter la libération de la France.
Emmanuel Macron aurait même pu faire son discours à l’intérieur. Ça ne m’aurait pas choqué. Historiquement, ça se justifiait, même s’il faut admettre que c’était pousser le bouchon un peu loin. Nos rois et nos empereurs se sont appropriés Notre-Dame, mais sans oser faire un discours à l’intérieur. Cette réouverture, c’est surtout l’occasion de rappeler qu’en France, Dieu est permis, à condition d’être d’abord au service de l’Etat. Et ça vaut pour toutes les religions.