Attentats: "Des jeunes me disent encore que Merah est un héros", regrette la mère d'une victime

Latifa Ibn Ziaten, mère d'une des victimes de Mohamed Merah, ce jeudi sur RMC et RMC Découverte. - RMC Découverte
Moins d'une semaine après les attentats de Paris, et au lendemain de l'assaut des forces de police contre l'appartement de Saint-Denis, Jean-Jacques Bourdin a tenu à inviter Latifa Ibn Ziaten sur RMC et RMC découverte, ce jeudi. Il y a trois ans, le 11 mars 2012, son fils Imad Ibn Ziaten, un Français d'origine marocaine du 1er régiment du train parachutiste, a été tué par Mohamed Merah. Depuis l'assassinat de son fils, elle sillonne la France via son association Imad pour la jeunesse et la paix, qu'elle a créée pour dissuader les jeunes de se radicaliser. Elle reçoit ce jeudi le prix de la Fondation Chirac pour la prévention des conflits.
"Ils me disent : 'On est toujours vus comme des immigrés'"
Et c'est peu dire que son association a un rôle essentiel aujourd'hui. "Des parents m'appellent au secours parce que leurs enfants veulent partir faire le jihad", raconte Latifa Ibn Ziaten. Si ces jeunes veulent partir en Syrie ou en Irak, c'est parce que "pour la plupart, ils se sentent rejetés et oubliés de la République. L'échec scolaire, l'absence des parents… ils sont livrés à eux-mêmes. Ils disent : 'Nous ne sommes pas utiles ici, nous serons utiles ailleurs'". "Ils ne savent pas ce qu'est la France et ne se sentent pas Français, car ils ne se sentent pas considérés comme tels. Ils me disent : 'on est toujours vus comme des immigrés'".
"Il faut ouvrir les cités, donner la chance à ses enfants"
Elle ne réclame pas d'angélisme, mais appelle avec conviction les pouvoirs publics à prendre des mesures pour aider les jeunes des quartiers déshérités, qu'elle a l'habitude d'arpenter pour son association. "Ça fait 3 ans que je dis qu'il y a des Merah partout. Il faut un travail de fond. Quand je vais dans les cités, fermées comme des ghettos, avec des écoles composées à 95% de Français d'origine maghrébine, comment voulez-vous qu'ils puissent s'intégrer et se sentir Français ? Il faut ouvrir ces cités, donner la chance à ses enfants qui sont l'avenir".
Et alors que la prison est souvent le début d'une radicalisation pour certains prisonniers, là encore elle dénonce : "Je suis allé en prison, c'est horrible : quand un prisonnier est enfermé 23 h sur 24 sans avenir ni formation, avec des cafards et des rats, comment voulez-vous qu'il s'en sorte dans la société?".
"J'ai rencontré des femmes qui m'ont fait peur"
Si elle le fait avec force et conviction, son travail pour empêcher les jeunes de se radicaliser est difficile, et la ramène parfois à ses propres douleurs. "J'entends encore des jeunes en prison dire que Mohamed Merah est un héros. Mohamed Merah, c'est juste un assassin, il a laissé de la souffrance, c'est tout ce qu'il a fait".
Elle a été marquée aussi par "les menaces d'une jeune femme de 17 ans, voilée de la tête au pied", à cause du travail qu'elle fait. "J'ai rencontré des femmes qui m'ont fait peur, raconte-t-elle. Ça ne me surprend pas qu'il y ait eu une femme kamikaze" dans l'appartement de Saint-Denis.
"La Marseillaise doit être obligatoire à l'école"
Latifa Ibn Ziaten s'étonne par ailleurs que beaucoup de jeunes qu'elle rencontre ne connaissent pas les paroles de la Marseillaise, cet hymne "qui lui donne la chair de poule". "La Marseillaise, c'est la fierté d'être Français, c'est une fierté de la chanter. Je trouve anormal que ce ne soit pas obligatoire de l'apprendre à l'école. C'est très important". "On est tous citoyens français, on est tous républicains, on doit s'entendre, se respecter quelque que soit la couleur, la confession. On est Français avant tout", exhorte-t-elle.