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"Ça a gâché leur vie": des enfants vont témoigner au procès en appel de l’attentat de Nice

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Des enfants vont témoigner pour la première fois au procès en appel de l’attentat de Nice, qui s’ouvre ce lundi. Un moment difficile mais peut-être libérateur pour ces jeunes victimes.

Huit ans après l'attaque au camion-bélier qui avait fait 86 morts et plus de 450 blessés, le procès en appel de l’attentat de Nice s’ouvre ce lundi à Paris. Le terroriste Mohamed Lahouaiej-Bouhlel avait été abattu par les forces de l'ordre. Deux complices, Chokri Chafroud et Mohamed Ghraieb, avaient été condamnés à 18 ans de prison lors du premier procès, le 13 décembre 2022. Mais ils ont fait appel de cette condamnation et sont de retour au tribunal, pour des audiences qui dureront jusqu'au 14 juin prochain. Pour la première fois, des enfants très jeunes vont être entendus, en visio, depuis une salle aménagée à Nice. Ils avaient moins de 13 ans à l'époque et n'avaient pas témoigné lors du premier procès.

En tout, ce 14 juillet 2016, 3.000 enfants étaient présents, et 700 ont ensuite été suivis par la cellule psychologique spécialement mise en place après l'attentat. Durant ce procès en appel, neuf d'entre eux devraient témoigner. Un moment difficile mais peut-être aussi libérateur pour ces enfants. Kenza, qui a 12 ans aujourd'hui, voulait déjà témoigner en 2022.

"Elle avait émis ce souhait de témoigner devant cette cour, avec ses propres mots, explique sa mère, Hager Ben Aouissi, présidente de l'association ‘Une voie des enfants’, sur RMC. J’avais peur pour elle de ce processus judiciaire qui peut être lourd, à son petit âge. J’avais eu une discussion avec sa pédopsy, qui la suivait depuis 2016. Elle m’avait dit que la parole était libératrice pour les adultes et qu’elle pouvait l’être aussi pour les enfants et qu’il fallait la laisser faire si elle y voyait du sens."

"Elle veut qu’on comprenne que les enfants se rappellent de tout"

"La veille de son témoignage au premier procès, le juge, en bienveillance je pense, a décidé qu’il n'écouterait pas les moins de 13 ans, ajoute la maman de Kenza. Cela a été très frustrant pour elle. Elle en a pleuré. On a réussi à faire lire son texte par l’avocate, elle y a assisté. Depuis, elle m’a dit que ce n’était pas la même chose, qu’elle voulait le dire avec ses propres mots. Elle veut raconter. Elle m’a dit : ‘Maman, je veux dire avec mes propres mots ce qu’il m’est arrivé, je me rappelle de tout, ce n’est pas ce qui va me faire replonger dans l’attentat parce que de toute façon, je le vis tous les jours, je fais des cauchemars tous les soirs’. Dès qu’il y a un attentat en France, et malheureusement depuis le 14 juillet 2016, ça se répète, ça la replonge forcément, il y a des réminiscences. Elle me dit qu’elle a besoin de parler à cette cour. C’est un moment qui a du sens pour elle, devant le juge qui va prendre la décision finale et qui doit savoir quelles conséquences cela a eu sur eux, les enfants, qui se rappellent de tout. Elle veut qu’on comprenne que les enfants se rappellent de tout. Et que ce qu’ils ont vécu, ça a gâché leur vie."

Kenza reste encore très marquée par l’attentat de Nice. "Elle a été déscolarisée pendant très longtemps, confie sa mère. Depuis l’an dernier, je l’ai inscrite dans une école qui est hors contrat, malheureusement, mais qui est à taille humaine puisqu’ils sont dix dans la classe. C’est une école privée, spécialisée, où elle a réussi à reprendre confiance en elle. L’attention n’est pas la même quand elle a une crise d’angoisse, quand elle se fait dessus… Il y a une tolérance, un accompagnement, une aide privilégiée. Elle arrive à ne pas sentir trop différente ou trop exclue."

"Malheureusement, quand il y a eu l’attentat du Hamas et l’enseignant assassiné à Arras, ils ont fait la minute de silence et c’était trop troublant pour elle, explique Hager Ben Aouissi. Elle a vomi pendant la minute de silence, elle a arrêté d’aller à l’école pendant quatre mois, elle a baissé de quatre points dans sa moyenne… On a rattrapé tous les cours. Cette école nous a tout envoyé au jour le jour. J’ai fait du mieux que je pouvais pour rattraper. Je lui ai pris une art-thérapeute qu’elle voit quatre fois par semaine." A distance, pendant ce procès en appel, Kenza va pouvoir apporter elle-même son témoignage.

LP