Crash du Rio-Paris: pourquoi Air France et Airbus sont relaxés mais jugés civilement responsables

La décision a été très mal accueillie par les familles des 228 victimes. Quatorze ans après les faits, Airbus et Air France ont été déclarés non coupables pour le plus grave accident aérien de l’histoire des compagnies française.
Ce vol Rio-Paris s'était abîmé dans l'océan Atlantique le 30 mai 2009. L’instruction, qui a duré 10 ans, a clairement montré que trois sondes Pitot, permettant de mesurer la vitesse de l'avion, ont givré, débranchant ainsi le pilotage automatique. En pleine nuit et manquant d’informations, les pilotes n’avaient pas pu reprendre le contrôle et l’avion avait décroché. Il s'était écrasé trois minutes plus tard.
La justice estime que Airbus et Air France ont commis des imprudences
Le tribunal a considéré que Airbus et Air France ont commis des imprudences et des négligences. Le constructeur de l’avion, Airbus, n’a pas imposé de remplacer toutes ces sondes Pitot alors que les incidents s'étaient multipliés depuis deux ans. Il a pratiqué une forme de rétention d’informations qui n’a pas permis un partage d'expérience entre compagnies aériennes. Il n’a pas adapté la formation des pilotes pour les entraîner à répondre à l’alarme de décrochage.
Concernant Air France, le tribunal parle d'imprudence fautive pour n’avoir pas assez communiqué aux pilotes sur les pannes de sondes.
Pourquoi les deux entreprises ne sont pas condamnées ?
Pour que Airbus et Air France soient condamnés, il aurait fallu prouver que ces négligences sont responsables de la catastrophe. Un lien de causalité certain entre ces fautes et l’accident. Il faut pouvoir prouver que sans ses fautes, le décès des victimes ne se serait pas produit.
Et c’est cela que les neuf semaines d’audience n’ont pas réussi à démontrer. En tout cas, aux yeux de la Cour. Impossible donc de condamner les deux sociétés pour homicides involontaires, le chef d’accusation. Pour les familles, ce verdict est une énorme déception, mais pas vraiment une surprise. À l'audience, le parquet avait requis la relaxe.
Les deux compagnies ne sont pas pénalement coupables, mais sont responsables
Si Airbus et Air France ne sont pas pénalement coupables, elles sont en revanche responsables. Leurs fautes ont entraîné une perte de chance, c'est-à-dire une augmentation de la probabilité que l’accident se produise. Le tribunal estime que la probabilité est “forte” que l’accident aurait pu être évité si les sondes Pitot avaient été changées. De même qu'Air France aurait pu mieux former ses pilotes à gérer l’effet de surprise.
Tout cela est suffisant pour déclarer les entreprises responsables sur le plan civil. Airbus et Air France vont donc devoir indemniser les familles des victimes. Une audience aura lieu en septembre pour fixer les dommages et intérêts qui pourraient leur être versés, et qui devraient s'ajouter au dédommagement que les familles ont déjà reçu.
"Responsable mais pas coupable"
Rendue célèbre en 1991 dans l’affaire du sang contaminé, cette expression "responsable mais pas coupable" est bien connue. C'est celle de Georgina Dufoix en 1991. La ministre des Affaires sociales avait estimé que dans l’affaire du sang contaminé, elle se sentait profondément responsable, mais pour autant pas coupable parce qu’elle avait pris les décisions qui lui paraissaient justes.
Ce que l’on avait résumé par “responsable mais pas coupable”. Une formule qui avait choqué. Beaucoup pensaient que si l’on est responsable, alors on est coupable. Dans un drame comme le sang contaminé, ou comme pour le crash du Rio-Paris.
Ce lundi, la justice a rappelé que ce n’est pas si simple. On peut être pénalement relaxé, mais cela n'empêche pas d’être reconnu responsable et condamné à réparer ses fautes.