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Divorcer chez le notaire: "Le juge sert d'ultime protection, on ne peut pas le supprimer"

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Les députés entament mardi l'examen du projet de loi sur "la justice du 21e siècle" qui prévoit notamment de permettre de divorcer par consentement mutuel sans passer devant un juge. Une procédure qui ne convainc pas le bâtonnier de Paris, invité sur RMC, qui réclame plutôt une simplification de la procédure actuelle.

Divorcer sans passer devant le juge sera peut-être bientôt possible. Le projet de loi de réforme de la justice prévoit un changement radical de procédure pour les divorces par consentement mutuel. Toujours représentés par un avocat, les époux n'auront qu'à enregistrer chez le notaire l'accord sur leur divorce. Mais pour Frédéric Sicard, bâtonnier de Paris, supprimer le juge même en cas de divorce par consentement mutuel n'est pas une bonne idée. L'accord de façade peut en effet parfois léser l'un des époux. "Le juge sert d'ultime protection pour celle ou celui qui peut être défavorisé dans un consentement mutuel", défend-il.

La mesure voulue par le gouvernement cherche à désengorger les tribunaux et accélérer les procédures alors que 54% des divorces se font actuellement par consentement mutuel. Des chiffres qu'il faut nuancer, souligne Frédéric Sicard.

"Une partie des divorces par consentement mutuel se font après avoir commencé une procédure pour faute ou pour une autre raison et en cours de route les avocats font qu'ils s'accordent sur le principe. A ce moment-là, le juge contrôle ce qui s'est passé", poursuit l'avocat pour qui "on ne peut pas supprimer le juge".

Quel règlement pour les divorces à l'international?

Des "problèmes techniques" apparaîtront avec cette nouvelle procédure estime-t-il, notamment concernant les enfants. La réforme prévoit que la procédure ne s'appliquera pas si un enfant demande à être entendu par le juge. Mais pour Me Sicard, les enfants ne seront en réalité jamais entendus.

"Vous voyez le tableau? Un enfant de 4 ans, le petit Kevin qui va dire à table, 'papa, maman vous divorcez mais je lève la main parce que moi je ne suis pas d'accord, je voudrais qu'on aille chez le juge'. Ce n'est pas raisonnable", estime l'avocat.

Il s'interroge aussi sur les conséquences au niveau international. "Il existe un règlement européen, Bruxelles 2 Bis, pour le partage de l'autorité parentale, pour organiser les droits de visite il faut une décision du juge", constate-t-il. Un autre "sous-problème" est également soulevé selon lui. "On a demandé aux pays du Maghreb, à de nombreux pays d'Afrique de ne pas reconnaître le divorce religieux et de n'accepter le divorce qu'avec un juge. Après les avoir convaincus qu'il fallait un divorce avec un juge, on va leur expliquer exactement le contraire", note Frédéric Sicard. 

Pour lui, ce texte manque de "logique sociétale". "On a commencé ce mandat présidentiel par le mariage pour tous et on le terminerait par le divorce pour tous et sans juge?", ironiste-t-il. Frédéric Sicard reconnaît qu'il faut "simplifier la procédure" actuelle, mais pour lui le texte qui sur le point d'être discuté est "improvisé dans l'urgence".

Carole Blanchard