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Douaniers surveillés par des trafiquants, corruption: un "tsunami blanc" de cocaïne envahit le port du Havre

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Dans le port du Havre, porte d'entrée de la cocaïne en France, la bataille contre les trafiquants de drogue semble perdue d'avance. Les autorités n'ont pas les moyens de lutter contre des narcotrafiquants mieux équipés qui inondent le territoire d'un "tsunami blanc" de cocaïne.

Bruno Retailleau s'attaque au "tsunami blanc". Le ministre de l'Intérieur est attendu ce lundi au Havre, le premier port de conteneur de France, devenu une plaque tournante du narcotrafic notamment celui de la cocaïne. Preuve en est la saisie record le 3 janvier dernier de 2 tonnes de cocaïne évaluée à 130 millions d'euros, et l'arrestation de deux personnes dont un docker de 22 ans.

Les trafiquants ont gagné du terrain ces dernières années constate Manuela Dona, secrétaire générale de la CGT des douanes: "Mes collègues se sentent surveillés par des drones quand ils font des contrôles sur la zone portuaire", raconte-t-elle à RMC.

Les narcotrafiquants mieux équipés que les autorités?

Et l'intimidation va parfois jusqu'au chantage: "On vous propose une grosse somme d'argent et très rapidement on vous fait comprendre que de toute façon vous n'avez pas le choix. Mes collègues aujourd'hui ont des craintes qu'ils n'avaient pas il y a 10 ans", poursuit Manuela Dona.

Si toute cette cocaïne arrive au Havre, c'est parce que c'est la porte d'entrée des marchandises venues d'Amérique du Sud, explique le sénateur Les Républicains Etienne Blanc rapporteur de la commission d'enquête sur le narcotrafic:

"Quand ça arrive d'Amérique du Sud, il y a une tension particulière. On arrive à en surveiller 10%, ce n'est pas à la hauteur".

Or, le chiffre d'affaires des trafiquants dépasse les 3 milliards et demi en France. Ils ont une longueur d'avance sur les autorités françaises: "Ils ont des moyens colossaux, des systèmes de surveillance, de cryptage des communications téléphoniques", déplore le sénateur qui propose un renforcement de moyens notamment technologiques pour se remettre au niveau des trafiquants.

3 questions pour comprendre : Le Havre, la porte d'entrée de la cocaïne - 13/01
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Dans le port du Havre, "une corruption de proximité"

Mais le combat s'annonce compliqué: "C'est une sorte de tsunami blanc qui arrive sur toute l'Europe, vous ne pouvez pas l'arrêter, tout ce que vous pouvez faire c'est vous protéger", alerte ce lundi sur RMC Story Fréderic Ploquin, grand-reporter spécialiste du grand banditisme qui rappelle que 50 tonnes de cocaïne ont été saisies en 2024 sur l'ensemble du territoire, deux fois plus que l'année précédente.

"Cela peut signifier deux choses: qu'on est plus attentifs mais aussi que les cartels ont plus de marchandises à envoyer et qu'ils doublent la mise. Perdre une tonne de cocaïne pour un cartel, c'est une goutte d'eau", explique-t-il.

Car produire de la cocaïne en Amérique du sud ne coûte rien. C'est son acheminement de la montagne vers le port de départ qui coûte de l'argent. Il faut ensuite payer des dockers au départ et à l'arrivée en Europe: "La corruption, ça se passe sur le terrain et les cas que j'ai pu observer au Havre, ce sont des dockers qui ont basculé après avoir été approché par des gens proches d'eux, avec qui ils ont pu aller à l'école. C'est une corruption de proximité", constate Frédéric Ploquin.

Les 100 plus gros trafiquants dans une seule prison, un bain de sang ou un grand cartel

Pour endiguer le narcotrafic, le ministre de la Justice Gérald Darmanin veut isoler les 100 plus gros trafiquants de drogue dans une même prison d'ici cet été, pour les empêcher de poursuivre leurs activités depuis leur cellule.

Mais Frédéric Ploquin doute de l'efficacité d'une telle mesure: "Si vous les mettez dans une même prison, il va y avoir plusieurs problèmes: soit il y a un bain de sang, soit ils forment un le plus grand cartel de demain et j'imagine que c'est ce qu'ils vont faire", assure-t-il.

L'idée de cette super prison, c'est de couper les trafiquant des téléphones qui circulent facilement en détention: "Est-ce qu'on peut imaginer une prison sous sarcophage téléphonique? Ça va être compliqué avec des surveillants qui seront eux-aussi coupés du monde", s'inquiète-t-il.

Guillemette Franquet avec Guillaume Dussourt