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Saint-Etienne-du-Rouvray, le bracelet électronique en question: "On est en train de parler d'un épiphénomène"

13 individus impliqués dans des dossiers terroristes sont placés sous bracelet électronique.

13 individus impliqués dans des dossiers terroristes sont placés sous bracelet électronique. - AFP

L'un des deux assaillants de l'attaque de Saint-Etienne-du-Rouvray était sous surveillance électronique. Un dispositif mis en cause mais qui en matière de terrorisme concerne en réalité peu d'individus, 13 au total.

Le placement sous bracelet électronique est très rare dans les affaires liées au terrorisme. Il l'est encore plus pour les personnes en attente de leur procès. Actuellement, moins de 10% des individus dans cette situation sont assignés à résidence sous surveillance électronique selon les syndicats de la magistrature. C'était le cas d'Adel Kermiche, l'un des assaillants identifiés de l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray. Les 90% restants étant placés en détention provisoire.

Mais après l'attaque, le bracelet électronique pour les jihadistes potentiels ou condamnés est remis en cause. Mercredi, Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement s'est prononcé en faveur d'une "évaluation" du dispositif. Une démarche inutile juge Martin Pradel, l'avocat de l'un des 13 individus concernés par une surveillance électronique.

"On est en train de parler d'un épiphénomène, estime-t-il. Le nombre de ceux qui sont sous bracelet électronique montre que c'est une proportion extrêmement infime de ceux qui sont mis en cause. Les services et l'autorité judiciaire ont des moyens pour apprécier le niveau de dangerosité de la personne beaucoup plus que pour n'importe quel autre type de criminalité ou de délinquance."

"C'est au magistrat de sentir les choses"

D'après une magistrate contactée par RMC, il s'agit toujours d'une mesure d'exception, les juges ne décidant que très rarement et dans les cas les moins graves de placer ces individus sous surveillance électronique. Dans le cas d'Adel Kermiche, la juge chargée de son suivi judiciaire avait estimé qu'il pouvait rester libre sous surveillance électronique dans l'attente de son procès, estimant qu'il avait "pris conscience de ses erreurs". Charles Prats, magistrat et ancien juge d'instruction rappelle que dans sa décision de placer un individu sous bracelet électronique le magistrat n'est pas infaillible.

"C'est au magistrat de sentir les choses, c'est très compliqué, on est dans l'appréciation humaine. C'est le juge qui doit apprécier la dangerosité qu'il a en face", explique-t-il.

Avec toujours le risque de se tromper ou de se laisser duper. "C'est le cas dans le terrorisme, mais c'est le cas dans tous les délits et tous les crimes, pour tous les délinquants. Pour sortir de prison, le détenu est capable de vous raconter tout et n'importe quoi, parce que bien évidemment ce qu'il veut c'est sortir de prison", constate-t-il.

L'ancien juge d'instruction estime cependant que face à la masse d'individus partis faire le jihad et qui pourraient revenir en France, l'institution n'a pas "les moyens judiciaires de traiter ces gens-là au retour".

Une surveillance qui prend du temps

Jean-Marc Bailleul, secrétaire général du syndicat des cadres de la sécurité intérieure estime lui aussi qu'il faut davantage de moyens pour encadrer et surveiller ceux qui sont placés sous bracelet électronique.

"On réclame du temps, d'être libérés de tout un tas de tâches administratives chronophages. Dans le cadre d'un bracelet électronique de géolocalisation, qui est suivre minute par minute un individu, pour ça il faut récupérer du temps que nous n'avons pas, à cause d'une procédure pénale qui est trop lourde", estime-t-il. 

Devant la commission d'enquête parlementaire sur les attentats de 2015, le directeur général du renseignement intérieur avait lui-même pointé un "angle mort", soulignant les limites du contrôle judiciaire des personnes mises en examen dans les affaires terroristes.

Carole Blanchard avec Jean-Baptiste Durand