Ils contestent leur déchéance de la nationalité : “Aujourd’hui je suis étranger dans mon propre pays”

Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur, l’avait annoncé en octobre 2015. Cinq personnes impliquées dans les attentats de Casablanca (2003) et condamnées ont été déchues de leur nationalité le 17 février dernier. Alors que François Hollande, faute de soutien à gauche, a reculé sur sa décision d’élargir la déchéance de nationalité, les cinq hommes réclament aujourd’hui la suspension de cette décision devant le Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative de l’Hexagone.
Ces personnes, quatre Franco-Marocains et un Franco-Turc, sont toutes des amis. Tous ont été condamnés en 2007 pour "association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un attentat" dans le cadre de l’enquête sur les attentats de Casablanca, au Maroc. Ces attentats ont fait 45 morts, dont 12 kamikazes, ainsi qu’une centaine de blessés en mai 2003.
Leur "degrés de dangerosité" pris en compte
Libérés en 2009 après avoir purgé leur peine, les cinq hommes ont depuis repris leur vie dans les Yvelines, sans plus jamais avoir eu à faire à la justice. Jusqu’en février dernier, lorsque leur carte d’identité française leur a été retirée.
Selon une source du ministère de l'Intérieur, les services spécialisés "ont déterminé avec précision leur degré de dangerosité". Mais aucune précision supplémentaire depuis l'annonce de leur déchéance. Après huit mois de combats, les cinq hommes espèrent beaucoup. Depuis le 30 mars dernier, en entendant François Hollande mettre fin à plusieurs mois de débat sur de la déchéance de nationalité, Redouane, l’un d’eux, a repris espoir. Ce père de famille de 39 ans avait rendu ses papiers quinze jours plus tôt.
“Si on abandonne une loi, c’est qu’elle est contreproductive”, explique-t-il. Je ne vois pas pourquoi on va nous impliquer. Il faudrait que tout ça s’arrête.”
26 déchéances depuis 1973
Attila, 40 ans, est quant à lui né en France. Il vit aujourd’hui avec un titre de séjour provisoire.
“Comme je suis né en France, c’est pour moi une humiliation. Aujourd’hui, je suis étranger dans mon propre pays”, constate-t-il. “Je ferai tout pour reprendre ma carte d’identité française.”
Les cinq hommes vivent avec des titres de séjours provisoires valables jusqu'au mois d’août. Ensuite, Redouane, comme les autres, pourra être expulsé vers le Maroc. “On ne peut pas se projeter dans l’avenir, on est fatigués, on veut récupérer notre nationalité pour retrouver notre vie d’avant et notre dignité”, explique-t-il.
Si le Conseil d’Etat rejette leur demande de suspension dans la semaine, les cinq hommes saisiront la Cour Européenne des Droits de l'Homme. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, 26 déchéances de nationalité ont été prononcées depuis 1973, dont 13 pour terrorisme.