Le procès de l'attentat du marché de Noël à Strasbourg en 2018 débute jeudi

Un policier sur le marché de Noël de Strasbourg, le 14 décembre, trois jours après l'attentat. - PAtrick Hertzog - AFP
Quatre hommes comparaissent à partir de jeudi à Paris pour leur rôle dans l'attentat du marché de Noël de Strasbourg qui avait fait cinq morts en 2018, en l'absence cependant de l'auteur des coups de feu, abattu par la police au terme de 48 heures de traque.
Le soir du 11 décembre 2018, le traditionnel marché de Noël bat son plein au coeur de Strasbourg quand un homme, Cherif Chekatt, surgit et ouvre le feu sur des passants, en criant "Allah Akbar". En dix minutes à peine, l'assaillant tue froidement, au gré de ses pérégrinations dans les rues du centre, cinq personnes et en blesse onze autres.
Condamné 20 fois en France et fiché S
Il s'engouffre ensuite dans un taxi et demande au chauffeur de le conduire dans le quartier du Neudorf. Ayant vu qu'il était blessé, le conducteur Mostafa Salhane parvient à le convaincre de s'arrêter pour le soigner. Une fois sortis du véhicule, il profite d'un moment d'inattention de Chérif Chekatt pour reprendre le volant et part en trombe vers le commissariat.
Grâce à ses informations, les enquêteurs identifient le meurtrier, un multirécidiviste de 29 ans, condamné 20 fois en France pour des faits de droit commun et fiché S pour radicalisation islamiste. Traqué, il est repéré dans le quartier du Neudorf et tué dans un échange de tirs avec des policiers.
Le lendemain, l'attentat est revendiqué par le groupe Etat islamique. Mais rapidement, les enquêteurs évoquent une revendication opportuniste. Une vidéo d'allégeance à l'EI est néanmoins trouvée à son domicile sur une clé USB.
Les investigations menées par la suite conduisent à mettre en examen cinq hommes soupçonnés d'avoir, à des degrés divers, permis la fourniture d'armes, dont un revolver du XIXe siècle utilisé lors de l'attaque, à Cherif Chekatt.
Tous ont été renvoyés devant la cour d'assises spéciale de Paris mais une disjonction a été ordonnée après une expertise médicale pour l'un d'eux, âgé de 84 ans, son état de santé ne lui permettant pas d'être présent aux débats, notamment en raison de sa durée. Il pourrait être jugé, seul, ultérieurement.
"Exutoire"
La qualification terroriste n'a finalement été retenue que pour Audrey Mondjehi, un ancien codétenu de Chérif Chekatt, le seul des accusés qui soit toujours en détention provisoire.
Cet accusé de 42 ans sera jugé pour complicité d'assassinats et de tentatives d'assassinat, notamment sur personnes dépositaires de l'autorité publique, le tout en relation avec une entreprise terroriste, ainsi que pour association de malfaiteurs terroriste. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Selon l'ordonnance des juges d'instruction, dont a eu connaissance l'AFP, il a joué "un rôle indispensable dans la fourniture d'une arme" à l'assaillant en le mettant en contact avec des personnes qui lui ont vendu des armes, alors qu'il "ne pouvait ignorer, voire qu'il partageait, tout ou partie des convictions radicales de Chérif Chekatt".
"Audrey Mondjehi ne doit pas être un exutoire à la peine des victimes et ne doit pas être condamné parce que Chérif Chekatt n'est pas là", observe son avocat, Me Michaël Wacquez.
"Il ne faudrait pas que ce soit le coupable idéal alors qu'il n'a rien fomenté dans un cadre terroriste."
Procès prévu jusqu'au 5 avril
Âgés de 34, 37 et 39 ans, les trois autres accusés, soupçonnés d'avoir participé d'une manière ou d'une autre à la fourniture d'armes, devront pour leur part répondre d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes. Ils encourrent 10 ans d'emprisonnement.
Aucun élément n'a permis d'établir qu'ils avaient eu connaissance du projet terroriste du tueur, selon les magistrats instructeurs.
Selon Mostafa Salhane, devenu président de l'Association des victimes d'attentats, le Fonds de garantie des victimes du terrorisme a reconnu 90 victimes directes des faits commis par Chekatt.
"Les parties civiles sont satisfaites que ce procès se tienne enfin", déclare Me Claude Lienhard, avocat de plusieurs dizaines de personnes. "L'instruction a été perçue comme très longue. Il y a la crainte que ce soit un procès low-cost par rapport à d'autres procès d'attentats, car beaucoup ont l'impression d'avoir été oubliés", confie-t-il. Le procès est prévu jusqu'au 5 avril.