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Les fleuristes dénoncent la "mafia du muguet": "le 1er mai, il y a des vendeurs illégaux tous les 10 mètres"

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Les ventes à la sauvette de muguet le 1er mai sont quasiment toutes illégales, selon les fleuristes professionnels. Sur RMC.fr, Olivier Turblin, président de la chambre artisanale des fleuristes du Nord, dénonce la "muguet connection" et alerte sur les conséquences pour sa profession.

Olivier Turblin est fleuriste depuis 32 ans à Tourcoing, et président de la chambre artisanale des fleuristes du Nord.

"La loi précise que le muguet vendu à la sauvette dans la rue ne peut provenir que des jardins de particuliers ou des sous-bois et qu'il ne doit pas être vendu en pot ou sous emballage plastique. Sauf que la quasi-totalité du muguet vendu sur la voie publique par les vendeurs à la sauvette est du muguet acheté, alors que c'est interdit. Quasiment tout ce qu'on voit sur la voie publique, c'est du muguet emballé.

"Illégal de le vendre en pot ou sous plastique"

La loi n'est pas respectée à cause du laxisme des autorités compétentes qui ne prennent pas les mesures pour verbaliser ce jour-là, parce qu'ils sont en sous-effectifs de police et parce que les élus ne se sentent pas concernés. Pendant des années on a laissé faire les choses, à tel point qu'il y a maintenant plus de vendeurs que d'acheteurs: il y a parfois des vendeurs tous les 10 mètres le 1er mai.

Cette concurrence déloyale, que nous dénonçons depuis des années, nous fait perdre énormément de chiffres d'affaires. Dans ma boutique, installée sur un boulevard de Tourcoing, on a eu 40% de chiffres d'affaires en moins à cause des vendeurs de muguets à la sauvette. On a alerté la municipalité qui a pris en 2016 un arrêté punissant la vente illégale et prévoyant une amende de 750 euros et la confiscation de la marchandise. Une mesure radicale qui a été efficace puisque l'an passé, il y a eu très peu de vendeurs à la sauvette.

"Entre 4 et 10 millions de brins vendus illégalement"

Nous nous battons également contre la "muguet connection", afin que soit démantelée la filière qui permet aux vendeurs à la sauvette de s'alimenter. C'est comme une mafia. Cette filière viendrait de trois producteurs nantais, qui vendent du muguet non calibré qui ne respecte pas les normes. Ces gens-là arrivent à s'alimenter via des pseudos fleuristes pour trois fois moins cher TTC que le meilleur prix hors taxe que nous pouvons obtenir chez nos grossistes. C'est une concurrence déloyale. Ces producteurs véreux alimentent un réseau parallèle. On estime qu'entre 4 et 10 millions de brins de muguets sont vendus illégalement en France. Alors que nous, fleuristes, nous devons payer des cotisations sociales et de la TVA.

"On a perdu 3.500 fleuristes en 3 ans"

Notre secteur souffre déjà de grandes difficultés. Depuis 3 ans on a perdu 3.500 fleuristes indépendants et 6.500 emplois (selon la Fédération française des artisans fleuriste), en grande partie à cause du manque à gagner des ventes du 1er mai. Les ventes ce jour-là représentent à peu près à 10 % de notre chiffre d'affaires annuel, c'est loin d'être anodin. Je dis aux gens: pour un brin de muguet acheté légalement, c'est un fleuriste sauvé."

Propos recueillis par Philippe Gril