Nominations : oui au «Spoil System», non à l'Hypocrisie

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, du lundi au vendredi à 8h20 sur RMC. - -
« Spoil system » : expression américaine qui renvoie à un débat bien français. Aux USA, chaque alternance entraîne le remplacement de centaines de hauts-fonctionnaires. C’est automatique et c’est assumé. En France, on discute depuis 50 ans pour savoir s’il faudrait faire de même sans violer le principe sacré d’impartialité de l’administration. En réalité, le débat est tout tranché – comme les têtes des fonctionnaires en question. Tous les présidents ont nommé leurs hommes aux postes clé et François Hollande le fait à son tour. Démystifions ici encore la légende du « président normal » : ce n’est pas Manuel Valls qui limoge les dirigeants policiers – ce sont des emplois qui incombent au chef de l’Etat et à lui seul. Voilà au moins une hypocrisie qui mérite d’être pointée.
Peut-on pour autant parler de nominations « politiques » ?
Oui mais ce n’est pas une tare ! Les 3 responsables limogés sont des fonctionnaires remarquables – Manuel Valls a eu l’élégance de le dire –, leurs carrières ont été rectilignes, c’est-à-dire qu’ils ont été promus malgré les alternances politiques. Pour autant, on peut considérer que les fonctions qu’ils ont occupées exigent un niveau d’adhésion à une politique qui équivaut à une forme d’engagement – d’autant que s’y est ajoutée la personnalisation propre au style Sarkozy. Que le nouveau pouvoir les remplace n’a donc rien d’illégitime. Mais évitons dans le jésuitisme : 1. Les nouveaux promus ne sont ni plus ni moins marqués politiquement que leurs prédécesseurs. Ils ont bonne réputation, ils seront loyaux au pouvoir – ça leur sera parfois reproché. 2. François Hollande a dit (mardi sur France 2) que le mouvement s’arrêterait là. C’est évidemment faux.
Les remplacements et les nominations devraient se poursuivre ?
C’est mécanique – et déjà en cours. Le nouveau préfet de police va nommer des hommes à lui, notamment à la sécurité publique et sans doute à la PJ. La constitution des cabinets ministériels a aussi libéré des postes de préfet qu’il va falloir pourvoir. Dans la justice, plusieurs procureurs sont considérés (à juste titre) comme très liés au pouvoir sarkoziste : leur remplacement se prépare. Chaque nomination sera passée au tamis par l’Elysée. Rien de choquant en soi mais observons quand-même que l’essentiel se fera après les législatives pour ne pas alimenter les critiques en période électorale. Sans doute qu’une transparence mieux assumée sur ces mouvements aiderait à écarter les soupçons. Ce n’est pas parce qu’on ne crie pas à la chasse aux sorcières… qu’on croit aux contes de fées.
Pour écouter le Parti Pris d'Hervé Gattegno ce jeudi 31 mai, cliquez ici.