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"On voit bien la limite": les critiques des magistrats contre le projet de Gérald Darmanin de "peines minimales"

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Après les propositions faites par le Garde des Sceaux, les magistrats ont exprimé leur perplexité face à des idées qu'ils estiment peu applicables. Ils pointent notamment le manque de moyens et de places dans des structures pénitentiaires déjà bien remplies.

Les dernières propositions de Gérald Darmanin en matière de justice ont fait grand bruit. Après les violences résultant de la victoire du PSG en Ligue des champions, le Garde des Sceaux a manifesté sa volonté d'instaurer des peines minimales dès la première condamnation et de supprimer le sursis.

Ces peines minimales sont possibles, à condition qu'elles ne soient pas automatiques. Mais, pour les magistrats, très critiques face à cette idée, c'est inapplicable.

"Soit vous basculez sur de simples peines en détention et vous multipliez par quatre les détenus en France, donc c'est impossible", commence Aurélien Martini, secrétaire général adjoint de l'Union Syndicale des Magistrats, au micro de RMC.

"Soit vous basculez cela dans la peine de probation que nous soutenons, mais il va falloir avoir beaucoup plus de monde pour suivre et s'assurer qu'on a les moyens de le faire", poursuit-il.

L'invité de Charles Matin : Violences, peines "pas à la hauteur" pour Darmanin - 04/06
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Un manque de moyens

Cette faisabilité a été également questionnée par Ludovic Friat, ancien juge des libertés et président de l'Union syndicale des magistrats. "Le Garde des Sceaux est dans son rôle en faisant des propositions politiques", déclare-t-il d'abord, invité d'RMC ce mercredi.

"Comme toute réforme, il faut l'envisager sous deux angles: il faut éviter les changements incessants de loi (...) et il y a le problème des moyens humains et en place de prison ou structure pénitentiaire", ajoute-t-il, précisant qu'une telle proposition doit être "réfléchie".

En cas de peines automatiques, plus de personnes se retrouveront derrière les barreaux. "On voit bien la limite", complète Ludovic Friat. "Nos prisons dégueulent", ajoute-t-il, avant de citer les conditions de travail "inacceptables" des salariés qui s'y trouvent.

Un risque accru de récidive

Outre la question des moyens et des places en prison, les magistrats sont aussi en désaccord avec la proposition de Gérald Darmanin de supprimer les aménagements de peine. Eneko Etcheverry, secrétaire national de CGT Insertion Probation, la juge contraire au principe d'individualisation des peines.

"On connaît déjà bien les effets désocialisants de l'incarcération en termes d'emploi, de logement, de soins, et ça ne va faire qu'empirer une situation déjà catastrophique et, à terme, créer de la récidive", explique-t-il.

Avant même ces propositions, tous les professionnels rappellent qu'il manque plus de 20.000 places de prison en France. Au 1er mai, le nombre de détenus dans les prisons françaises était de 83.681, d'après des données obtenues auprès du ministère de la Justice. Un chiffre jamais égalé.

Constance Bostoen avec Mélanie Hennebique