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Orpea et une ex-maire de Biot jugés après des inondations meurtrières en 2015

Orpea et une ex-maire de Biot jugés après des inondations meurtrières en 2015

Orpea et une ex-maire de Biot jugés après des inondations meurtrières en 2015 - Jean-Christophe MAGNENET / AFP

L'ancienne maire de Biot (Alpes-Maritimes) et Orpea comparaissent à partir de mardi devant le tribunal correctionnel de Grasse pour homicides involontaires, plus de huit ans après la noyade de trois pensionnaires d'une maison de retraite du groupe privé dans des inondations dévastatrices.

Le soir du 3 octobre 2015, de violents orages accompagnés de précipitations exceptionnelles avaient transformé plusieurs rivières des alentours de Cannes et Antibes en torrents d'eau et de boue qui ont causé la mort de 20 personnes et des dégâts considérables.

À Biot, une vague de submersion a envahi le rez-de-chaussée de la maison de retraite du Clos Saint-Grégoire, au pied de cette petite ville médiévale de 9.800 habitants. Marguerite Giunipero, 94 ans, Jacqueline Colombier, 91 ans et Josiane Chaix, 82 ans, ont péri noyées dans 1,25 mètre d'eau.

Plusieurs autres pensionnaires ont survécu, dont une dame de 95 ans qui s'est accrochée au mobilier jusqu'à l'arrivée des secours.

Un pompier français passe devant l'enseigne de la maison de retraite "Le Clos Saint-Grégoire" où trois personnes se sont noyées à cause de violentes inondations après qu'une rivière a débordé, le 4 octobre 2015, à Biot,.
Un pompier français passe devant l'enseigne de la maison de retraite "Le Clos Saint-Grégoire" où trois personnes se sont noyées à cause de violentes inondations après qu'une rivière a débordé, le 4 octobre 2015, à Biot,. © Jean-Christophe MAGNENET / AFP

La ville de Biot n'avait pas suivi le protocole

La directrice de l'époque, Anaïs Gledel, qui avait alors 29 ans et était en poste depuis un mois, et la société Orpea, qui avait racheté l'établissement en 2011, comparaîtront pour homicides involontaires et mise en danger de la vie d'autrui.

Mais l'ancienne maire de la commune à l'époque, Guilaine Debras, ainsi que le responsable des risques naturels de la ville, Yann Pastierik, les accompagneront sur le banc des prévenus pour répondre, eux aussi, du chef d'homicide involontaire.

Le jour du drame, Météo France avait placé le département en vigilance "orange" en raison d'un risque d'orage, mais Biot n'a pas suivi le protocole de son Plan communal de sauvegarde, qui prévoyait en particulier de prévenir les populations menacées.

Comme dans plusieurs communes touchées, l'alerte n'a été donnée qu'après le passage de l'orage, entre 20H et 22H selon les lieux. Une demi-heure avant Biot, l'eau avait fait huit morts à Mandelieu-la-Napoule, près de Cannes. Mais l'enquête lancée contre cette municipalité a été classée sans suite.

Pas d'alerte

Contrairement à Biot, les victimes de Mandelieu n'étaient pas des personnes dépendantes, mais des habitants surpris par une brusque crue alors qu'ils étaient descendus récupérer leur véhicule dans des parkings sous-terrains.

À Biot, le Clos Saint-Grégoire, situé près d'un canal d'évacuation des eaux de pluie, avait déjà connu deux inondations, dont une en 2005 qui avait obligé le personnel à monter en urgence tous les pensionnaires au premier étage, avec l'aide des pompiers et de voisins. Il a depuis été fermé.

Après 2005, la maison de retraite s'était dotée de portes anti-inondations et la commune avait creusé des bassins de rétention en amont. La conscience du danger s'était estompée, alors que les portes fonctionnaient mal et que l'entretien des bassins posait question.

Le personnel n'était plus formé à réagir au risque d'inondation et le soir du drame, Yann Pastierik n'a pas renoncé à se rendre au match de foot Nice-Nantes, arrêté à la mi-temps à cause des pluies diluviennes.

Seules une aide-soignante et une auxiliaire de vie étaient présentes au Clos Saint-Grégoire le soir du drame et quand elles ont pris conscience du danger, il était trop tard. Balayées par la vague, elles ont elles-mêmes dû s'échapper par une fenêtre du rez-de-chaussée avant de se rendre auprès des pensionnaires du premier étage.

Un scandale de plus pour Orpea

Le procès doit durer quatre jours, avec le réquisitoire prévu jeudi et les plaidoiries de la défense vendredi. Le jugement devrait être mis en délibéré.

Le groupe Orpea, qui compte des maisons de retraite et des cliniques spécialisées, est présent dans une vingtaine de pays, compte 76.000 collaborateurs et accueille chaque année plus de 267.000 patients et résidents.

Il est très secoué depuis deux ans par le scandale né des pratiques de son ancienne direction, révélées par le livre-enquête de Victor Castanet, "Les Fossoyeurs".

CA avec AFP