Prisons: l'objectif de 15.000 places supplémentaires, pas "avant 2029" selon Didier Migaud

Le ministre de la Justice Didier Migaud doit se rendre à l’évidence: les 15.000 places de prison promises par le gouvernement précédent ne seront pas construites à temps. "15.000 nouvelles places de prison avant 2027": l'ancien garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti avait inscrit l’objectif dans la loi. Il parlait alors de "programme immobilier pénitentiaire le plus ambitieux depuis 30 ans".
Cet engagement de 2023 était la transcription d’une promesse de campagne de 2022 du candidat Emmanuel Macron, qui actait déjà un renoncement précédent. En 2017, il avait promis ces places, avant de revoir l’objectif à la baisse, avec au départ 7.000 places avant de descendre finalement à 2.000.
"Pour réaffirmer le rôle dissuasif de la sanction, nous devons construire des places de prison", avait déclaré le Premier ministre Michel Barnier dans son discours de politique générale, évoquant une "urgence". Les places seront opérationelles en 2029, a indiqué Didier Migaud cette semaine. "2029, au mieux".
Record de surpopulation carcérale
Pourtant, la surpopulation carcérale bat des records. Un nouveau a été atteint au début du mois avec 80.000 détenus pour un peu plus de 62.000 places. Selon les prévisions du ministère, le record pourrait rapidement être battu. On s’attend à une augmentation de 5.500 nouveaux détenus chaque année.
Dans les maisons d’arrêt, la densité moyenne est de 156%, avec des pointes à plus de 200%. On y trouve des détenus pour courte peine et des prévenus en détention provisoire. Sur 4.000 matelas au sol, dorment des prisonniers qui sont présumés innocents et qui ne sont pas encore condamnés. Un problème de droits humains, un problème de sens donné à la peine prononcée, et des conditions de travail déplorables pour les personnels pénitentiaires.
Quelles alternatives?
Didier Migaud cherche des alternatives car construire des places de prison ne se fait pas en un claquement de doigts. Et il propose donc un plan B, comme des peines alternatives, comme le travail d’intérêt général (TIG) mais ce n’est pas le plus original. Parmi les propositions, la réhabilitation d’anciens établissements qui ne sont plus utilisés ou encore l’utilisation de préfabriqués, des structures modulaires. Ça se fait en Allemagne ou en Belgique.
Didier Migaud demande également un coup de pouce à ses collègues: il veut creuser dans le patrimoine et dans le bâti ou les terrains non utilisés. Les autres ministères ont-ils des espaces libres? L'Etat pourrait aussi convertir des hôtels ou centres d’hébergement désaffectés pour en faire des lieux d’incarcération. Des choses plus simples pour les détenus les moins dangereux. "Il faut peut-être sortir du modèle unique de prison avec des conditions de sécurité exigeantes", a émis Didier Migaud.
Réticence des collectivités
Le ministère de la Justice doit aussi composer avec des réticences locales. On réclame sans cesse plus de fermeté, on veut plus de prisons, mais pas trop près de chez nous. Au début du mois, le ministre a mis en cause les collectivités. Il y a des projets en suspens à Noiseau, dans le Val-de-Marne, à Magnanville, dans les Yvelines, ou à Muret, en Haute-Garonne.
Didier Migaud veut simplifier est alléger les procédures pour lancer de nouveaux chantiers. Il envisage de changer la loi pour que l’État puisse imposer des constructions, contraindre les élus locaux. Un débat qui s’annonce explosif.