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Aides fiscales, pesticides, contrôles... Ce qu'il faut retenir des annonces d'Attal aux agriculteurs

Gabriel Attal le 1er février 2024 à Matignon

Gabriel Attal le 1er février 2024 à Matignon - JULIEN DE ROSA / AFP

Six jours après ses premières annonces pour tenter de résoudre la crise agricole et deux jours après son discours de politique générale, Gabriel Attal a dévoilé ce jeudi de nouvelles mesures pour les agriculteurs. Souveraineté alimentaire, 150 millions d'euros pour les éleveurs, plan Ecophyto mis en pause, contrôles massifs des industriels et distributeurs... Voici ce qu'il faut retenir de la conférence de presse du Premier ministre.

Le gouvernement parviendra-t-il à apaiser la colère? Après ses annonces vendredi depuis la Haute-Garonne devant un parterre d'agriculteurs et son discours de politique générale mardi, à l'Assemblée, Gabriel Attal s'est de nouveau adressé au monde agricole ce jeudi pour tenter d'éteindre la gronde sociale, en tenant une conférence de presse à 12h.

Le chef du gouvernement a enchaîné les entrevues avec les syndicats agricoles, ayant reçu, depuis lundi, à trois reprises la FNSEA et mercredi matin des représentants de la Coordination rurale et la Confédération paysanne. La mobilisation ne faiblit pas et grandit en France et en Europe. Des tensions ont eu lieu à Rungis mercredi avec l'interpellation de plusieurs dizaines de personnes, tandis qu'un millier de tracteurs bloquent ce jeudi plusieurs rues de Bruxelles, où sont réunis les dirigeants européens.

Voici ce qu'il faut retenir des annonces dévoilées par le Premier ministre.

"Avons nous répondu malaise? A l'évidence, non", estime Gabriel Attal

"Nos agriculteurs sont confrontés à un malaise et une forme de crise. Partout en Europe, la même question se pose, comment continuer à produire mieux et plus, comment faire face au changement climatique, comment faire face à la concurrence déloyale et résister dans un marché qui a pu s'apparenter parfois à une forme de jungle", a exposé en préambule le Premier ministre, avant de demander : "Y-a-t-il un avenir pour notre agriculture? La réponse est oui".

"Avons nous répondu au malaise? A l'évidence, non. Avons nous fait des erreurs, a l'évidence oui", a déclaré Gabriel Attal.

"Ma méthode est claire : réactivité, dialogue et transparence, cadre Gabriel Attal

Le Premier ministre a vanté une méthode "claire" à savoir : réactivité, dialogue et le respect des agriculteurs. Deux mots d'ordres martelés par le chef du gouvernement : "Produire et protéger". Gabriel Attal a identité plusieurs objectifs qui sont : mieux reconnaître le métier d'agriculteur, redonner de la valeur à l'alimentation, donner du revenu aux agriculteurs, protéger contre la concurrence déloyale, simplifier la vie quotidienne des agriculteurs et lutter contre les surtranspositions.

La souveraineté agricole inscrite dans la loi

Parmi eux, celui de la souveraineté alimentaire. "Notre exception agricole, ce n'est pas une question de budget mais de fierté et d'identité pour notre pays", a estimé le Premier ministre. "C'est produire et assumer de produire à l'opposé des thèses décroissantes et protéger contre la concurrence déloyale, contre les aléas qui frappent les agriculteurs, qui sont les premières victimes du dérèglement climatique", a-t-il cadré. Le Premier ministre a évoque des "normes dont nous ne voulons plus".

Première mesure évoquée : une dérogation sur l'obligation de réimplantation des prairies. "Nous devons sortir des situations absurdes ou des agriculteurs sont obligés de réinstaller des prairies alors qu'ils ont arrêté leur activité d'élevage", a expliqué Gabriel Attal, qui a justifié cette dérogation en attendant l'évolution des négociations au niveau européen.

Un premier rapport annuel qui sortira avant le Salon de l'Agriculture

Sur le plan national, Gabriel Attal veut inscrire l'objectif de souveraineté alimentaire dans la loi et promet un rapport annuel sur la souveraineté alimentaire, dont le premier sortira avant le Salon de l'agriculture. Le trouble du voisinage sera aussi inscrit à l'ordre du jour au Sénat en vue d'une adoption rapide.

Gabriel Attal a également annoncé un plan souveraineté pour chaque filière, avec une "attention donnée aux Outre-mers".

Gabriel Attal souhaite une législation claire au niveau européen pour la dénomination de la viande de synthèse et la promotion de l'étiquetage de l'origine des produits au niveau européen.

Le Premier ministre veut également accélérer le respect des objectifs de la loi Egalim dans la restauration collective. "L'Etat sera exemplaire pour atteindre les 20% de bio dans nos approvisionnements".

Gabriel Attal a également annoncé le relèvement des seuils d'exonération sur les successions agricoles.

150 millions d'euros pour les éleveurs

Le chef du gouvernement a annoncé ainsi 150 millions d'euros en soutien fiscal et social de façon pérenne pour les éleveurs. Il a également indiqué que le calcul des retraites avec les 25 meilleurs années pourrait être revu. "Le système ne doit pas faire de perdants chez les plus fragiles".

Le chef du gouvernement a remartelé que la France ne comptait pas reconnaître le traité Mercosur et souhaite mettre en place des mesures miroir et de sauvegarde, notamment

Une création de force européenne de contrôle pour lutter contre la fraude, notamment sanitaire, et contre l'importation de produits qui ne respectent pas la règle au niveau européen, est également un souhait du Premier ministre.

Gabriel Attal veut également que la question des céréales soit incluse dans les négociations qui s'ouvrent au niveau européen.

Le plan Ecophyto mis en pause

A l'instar de ces déclarations vendredi, Gabriel Attal souhaite libérer, dévérouiller et simplifier la vie des agriculteurs. "Les préfets simplifient les normes en France", a-t-il annoncé.

Concernant les surtranspositions, Gabriel Attal ne veut pas "d'interdiction sans solution", pointant le paradoxe, selon lui, que des interdictions soient faites en France pendant que le régulateur européen planche sur la question. Par ailleurs, le Premier ministre et le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau ont ainsi annoncé "mettre en pause" le plan Ecophyto pour le "simplifier et le retravailler".

"Il sera à l'arrêt le temps de mettre en place un nouvel indicateur. Un conseil d'orientation sera organisé par les ministres " a expliqué Gabriel Attal.

Le chef du gouvernement a également dit vouloir empêcher l'importation en France de fruits et légumes traités avec le pesticide thiaclopride, un produit interdit en Europe.

Par ailleurs, le gouvernement va relever les seuils d'exonération sur les successions agricoles. "C'est par les nouvelles générations que nous assurerons la pérennité de notre agriculture", a affirmé Gabriel Attal.

Contrôles massifs pour les industriels et distributeurs

Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a quant à lui annoncé des contrôles massifs à l'encontre des industriels et distributeurs.

"150 agents sont mobilisés dans toute la France pour procéder à des contrôles et infliger des sanctions. Ils seront multipliés par 2 par rapport à 2023. Les sanctions pourront atteindre jusqu'à 2% du chiffre d'affaires'", a prévenu Bruno Le Maire.

"250 contrôles sont déjà prévus et 4 procédures ont été lancées mardi à l'encontre de quatre industriels pour absence de contractualisation" a rappelé Bruno Le Maire.

Le ministre de l'Economie a annoncé une phase de contrôles massifs pour la grande distribution. "Tous les contrats seront contrôlés, y compris les marques distributeurs". De plus, 10 000 contrôles sur l'origine française des produits seront réalisés. "Les sanctions pourront atteindre jusqu'à 10% du chiffre d'affaire pour industriels et distributeurs" a exposé Bruno Le Maire.

Les distributeurs qui contournent la réglementation française via les centrales d'achats européennes seront également sanctionnés, à promis Bruno Le Maire.

Concernant le gazole non routier, les agriculteurs peuvent demander dès ce jeudi le remboursement partiel de la taxe, a annoncé Bruno Le Maire.

2 milliards pour garantir l'accès aux prêts et la reprise d'exploitations

Le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau a promis 2 milliards d'euros pour garantir l'accès aux prêts et investissements, afin de permettre la reprise des exploitations. 13 à 20 millions d'euros seront aussi déployés pour les structures qui accompagnent les jeunes agriculteurs en phase d'installation.

Le secteur agricole sera également reconnu comme un secteur de métier en tension, afin d'améliorer le recrutement de travailleurs saisonniers.

Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a annoncé la parution au Journal officiel ce matin d'un décret qui simplifie les règles de curage des cours d'eau. Le ministre a également réaffirmé les diminutions des délais, énoncés par Gabriel Attal vendredi. Ainsi les délais de recours passent de 4 à 2 mois tandis que les délais d'instructions sont diminués à 10 mois. Un niveau de juridiction sera également supprimé pour permettre de traiter plus rapidement les contentieux.

Les agriculteurs doivent-ils entrer dans Paris ? - 01/02
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25:03

Le président de la République, Emmanuel Macron, a de son côté eu un entretien de 30 minutes jeudi matin avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen au sujet de la crise agricole, qui touche plusieurs pays en Europe. Il n'a fait aucune déclaration à la sortie.

Léo Manson