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"Bernard Cazeneuve à Matignon? Pas le retour de l'ancien monde": l’avis tranché d’Arthur Chevallier

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Alors que le nom de Bernard Cazeneuve circule de plus en plus pour être Premier ministre, certains y voient le retour de l’ancien monde. Pour Arthur Chevallier, écrivain et éditeur, ça n’a strictement rien à voir car Bernard Cazeneuve ressemble bien plus à la gauche que tout le Nouveau front populaire réuni. C’est son avis tranché ce lundi matin sur RMC.

Bernard Cazeneuve est reçu ce lundi matin par le président de la République, Emmanuel Macron. Alors que son nom est de plus en plus évoqué pour le poste de Premier ministre, beaucoup y voient le retour de l’ancien monde, mais ce n’est pas le cas du tout… Ça n’a même strictement rien à voir. Car Bernard Cazeneuve était un objet non identifié du gouvernement de François Hollande. A tel point qu’à la fin, souvenez-vous, il était le dernier survivant du carnage, le seul à avoir une cote de popularité à peu près correcte. Alors, c’est vrai qu’on s’est souvent demandé pourquoi on aimait Bernard Cazeneuve. Parce qu’après tout, il n’était ni charismatique, ni bon orateur, avec un style un peu bizarre, quelque chose entre le commissaire Maigret et l’inspecteur Gadget. Mais il avait une qualité rare: il était intègre, aucune affaire à la Cahuzac sur le dos, et travailleur, on ne l’entendait pas râler toute la journée comme le faisait par exemple un Montebourg. Et à la fin, ça paye.

Pour l’instant, c’est surtout l’homme de gauche qui plaît à la droite. C’est vrai, mais parce qu’on a oublié que la gauche ne se résumait pas à Jean-Luc Mélenchon. Cazeneuve appartient à une autre catégorie de la gauche, celle qui, entre le parti et la France, préfère toujours la France. C’est la gauche d’un Clemenceau qui, tout en ayant défendu la Commune de Paris, n’a pas hésité à envoyer l’armée lors des grèves de 1906. Ce qui lui avait valu d’être rejeté par son camp, accusé déjà d’être un ennemi des ouvriers. Cela ne l’empêchera pas de remporter, quand même, la Première Guerre mondiale en 1918. Autre exemple typique, Léon Blum, illustre socialiste qui refuse, en 1920, de rejoindre le parti communiste, et se retrouve ultra-minoritaire à gauche, allant lui aussi jusqu’à passer pour un traitre à la classe ouvrière. Ça ne l’empêchera pas lui non plus de remporter les élections avec le Front populaire, le vrai, en 1936, et même de réarmer la France pour affronter l’Allemagne.

La matinale 100% info et auditeurs. Tous les matins, Apolline de Malherbe décrypte l'actualité du jour dans la bonne humeur, avec un journal toutes les demies-heures, Charles Magnien, le relais des auditeurs, Emmanuel Lechypre pour l'économie, et Matthieu Belliard pour ses explications quotidennes. L'humoriste Arnaud Demanche vient compléter la bande avec deux rendez-vous à 7h20 et 8h20.
L'avis Tranché : "B. Cazeneuve à Matignon, ce n'est pas l'ancien monde !" - 02/09
5:27

La gauche qui veut gouverner

Bernard Cazeneuve incarne la gauche qui veut gouverner. Et quand on veut gouverner, on fait des compromis au nom de l’intérêt supérieur de la nation. C’est-à-dire qu’on privilégie ce qui est bien pour la France, son prestige et sa puissance. La politique, c’est aussi une question de style: Bernard Cazeneuve n’a pas cédé au nouveau style populiste imposé par Jean-Luc Mélenchon. Pendant que la France insoumise chahutait, que ses députés retiraient leur cravate et déployaient des drapeaux palestiniens à l’Assemblée, lui se tenait loin du cirque, sans rien changer à sa ligne: des costumes croisés, des phrases courtes et des silences. La droiture et la rigueur avant tout, et peu importe ce que les gens pouvaient dire. Ce comportement, ça porte un nom, ça s’appelle: le courage.

Il ressemble quand même assez peu à son électorat, et il peut tout perdre en allant à Matignon, en étant lâché à la fois par la droite, le centre et… la gauche. Tout va dépendre de sa popularité, et il faudra voir à l’usage. Il réunit quand même beaucoup de critères: il est conservateur tout en se tenant à distance du monde des affaires, républicain et très aimé des forces de l’ordre depuis qu’il a été ministre de l’Intérieur. Il est aussi intraitable sur les questions de laïcité. Et de toute façon, les classes populaires ne votent plus pour la gauche depuis longtemps, donc il est temps pour elle d’essayer autre chose. Bernard Cazeneuve ne correspond peut-être pas à l’idée qu’on se fait de la gauche aujourd’hui, mais il n’est pas complétement éloigné de celle qu’on se fait de la France.

Arthur Chevallier