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Borloo, le pire ami de Sarkozy

« Le Parti pris » d'Hervé Gattegno, c'est tous les matins à 7h50 sur RMC du lundi au vendredi.

« Le Parti pris » d'Hervé Gattegno, c'est tous les matins à 7h50 sur RMC du lundi au vendredi. - -

Jean-Louis Borloo a annoncé hier jeudi soir qu’il quitte l’UMP pour créer une confédération centriste. Il n’a pas annoncé sa candidature à la présidentielle, mais il en a évoqué l’hypothèse. Ainsi, il est devenu le pire ami de Nicolas Sarkozy.

De même qu’on pourrait dire que Marine Le Pen est la meilleure ennemie des socialistes, puisqu’en affaiblissant l’UMP, elle sert les intérêts du PS (on l’a bien vu aux cantonales), on peut considérer que Jean-Louis Borloo, tout en affirmant sa loyauté au Président de la République, lui pose désormais un très sérieux problème. En quittant l’UMP, il réduit encore le spectre du parti, qui ressemble de plus en plus au RPR des années Chirac. En fédérant les centres, c’est-à-dire en recréant une sorte d’UDF moderne, il entérine la division de la majorité. Et en avançant vers sa candidature en 2012, alors là il mine carrément la campagne à venir de Nicolas Sarkozy.

Il était hier soir sur France 2. Est-ce qu’il a dit les choses aussi clairement ?

Je sais bien qu’on a l’habitude de le trouver embrouillé, abscons, difficile à suivre. Mais hier soir, je l’ai trouvé étonnamment limpide. Il a parlé d’« une nouvelle offre politique ». Il a dit que son ambition était de regrouper les radicaux, les centristes, les gaullistes sociaux, des écologistes, quelques clubs de centre-droit et de centre-gauche. Et il a précisé que ce mouvement avait « vocation à avoir un candidat » à la présidentielle. Il a même avancé un nom pour ce nouveau parti : Alliance républicaine écologiste et sociale. Si on prend les initiales, ça fait ARES. Et Arès, dans l’Antiquité grecque, c’est le dieu de la guerre. Je ne sais pas s’il l’a fait exprès, mais je ne suis pas sûr que ses intentions soient pacifiques…

Est-ce qu’on ne peut pas imaginer que l’opération Borloo soit pilotée depuis l’Elysée ?

Sur le papier, c’est un scénario plausible : il rassemble les centristes pour reconstituer, in extremis, une majorité avec l’UMP. Ce serait quand-même sacrément kamikaze de la part de Nicolas Sarkozy. Parce que tout le monde voit bien qu’avec la candidature probable de François Bayrou et celle, plausible, de Dominique de Villepin et de l’autre côté, un FN menaçant, l’entrée en lice de Borloo mettrait en grand péril la qualification de Nicolas Sarkozy au second tour. Ajoutons que plus la ligne du gouvernement se durcit sur l’immigration et la sécurité, plus il sera difficile, à terme, de rapprocher les deux pôles de la droite. Il a déclaré hier « les humanistes et les autres » ou encore « ceux qui ont peur de l’autre, et ceux qui n’ont pas peur ». A l’Elysée, c’est de lui qu’on peut avoir peur !

Est-il prêt à une candidature qui mettrait Nicolas Sarkozy en danger ?

ll m’a donné cette impression. Il avait l’air serein et assez déterminé. Il reste blessé par l’épisode du remaniement et la campagne de dénigrement contre lui. Fillon l’avait traité de « zozo » ; maintenant, il veut jouer les Zorro ! Ce qu’on ne sait pas, c’est s’il peut vraiment rassembler le centre, décrocher des élus de l’aile sociale de l’UMP, mais aussi pourquoi pas du Modem. S’il en est capable, ça peut être aussi dangereux pour Sarkozy que pour le futur candidat socialiste. Ses proches disent que lui-même ne sait pas jusqu’où il peut aller. On ne peut donc même pas écarter l’hypothèse d’une évolution qui le conduirait jusqu’aux portes de la gauche. On l’a entendu hier sur les mêmes positions que le PS sur l’Europe, les excès du libéralisme et les salaires des patrons. En 2002, il avait hésité jusqu’au bout entre Jospin et Chirac. Son hésitation peut être plus forte encore cette fois-ci. Un vrai centriste : ce n’est pas quelqu’un qui n’est ni à gauche ni à droite. C’est quelqu’un qui est à la fois à gauche et à droite. Disons qu’hier soir, je l’ai trouvé plus adroit qu’à droite.

Ecoutez «le parti pris» du vendredi 8 avril avec Hervé Gattegno et Jean-Jacques Bourdin:

Hervé Gattegno