Derrière le blues de Hulot, la débâcle des Verts

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, tous les matins à 8h20 sur RMC. - -
Il y a à peine deux ans, EELV était le troisième parti de France : 12,5 % aux régionales - et même 16,5 % aux européennes en 2009 -, plus que le FN, plus que les centristes. C'était un mouvement nouveau, avec une dynamique, une orientation politique originale - avec des écolos historiques et des personnalités engagées, comme José Bové et Eva Joly -, un leader inspiré, Daniel Cohn-Bendit. Là-dessus, les circonstances leur ont ouvert un boulevard : la crise a légitimé un débat sur d'autres modèles économiques que les Verts essayaient de lancer depuis longtemps ; et puis il y a eu Fukushima, qui a reposé d'une façon dramatique la question du nucléaire. À l'arrivée, leur candidate se traîne dans les sondages et Nicolas Hulot traîne, lui, ses regrets. C'est un sacré gâchis.
Vous pensez qu'ils ont fait une erreur en ne choisissant pas Nicolas Hulot comme candidat ?
Objectivement, l'engagement de Nicolas Hulot était une bénédiction pour eux : c'est à la fois un écologiste incontestable, un remarquable vulgarisateur des questions d'environnement - et en plus une personnalité très médiatique, ce qui est forcément utile dans une élection hypermédiatisée. Mais cela, c'était dans l'hypothèse où les Verts cherchaient vraiment à élargir leur audience et à se poser en parti de gouvernement. La suite a montré ce qu'il en était : Hulot est tombé dans un traquenard, il a été victime du sectarisme des Verts, et Eva Joly a été désignée. Elle aussi aurait pu aider les Verts à élargir leur audience. Mais les dirigeants d'EELV ont tout fait pour la laisser s'empêtrer. Ils l'ont abandonnée... en rase campagne, si l'on ose dire.
Au fond, ce que vous suggérez, c'est que les Verts ne voulaient pas d'un candidat qui réussisse ?
Les écologistes défendent les baleines et les baleines ont un instinct mystérieux qui les pousse au suicide. Il y a peut-être une forme d'identification... Ce qui a flingué la campagne d'Eva Joly, ce ne sont pas son accent ni ses maladresses (il y en a eu), mais l'accord calamiteux signé dans son dos par la direction d'EELV avec le PS. Elle ne s'en est jamais remise. Et il est devenu évident que ce qui intéressait les Verts n'était ni de défendre des convictions (par exemple sur l'abandon du nucléaire) ni de faire un score à la présidentielle, mais d'obtenir des sièges de députés - notamment pour Cécile Duflot à Paris. Les écolos ont ajouté à une logique groupusculaire une propension aux arrangements politiciens - le pire de la culture de l'extrême gauche et le pire du radicalisme. Quand Nicolas Hulot dit que sa parole sera "d'autant plus audible qu'elle sera non partisane", c'est ce constat qu'il fait.
Vous êtes sévère. Est-ce que les Verts ne pâtissent pas aussi de la tentation du vote utile à gauche, qui profite à François Hollande ?
C'est certain. Ils subissent aussi la concurrence de Jean-Luc Mélenchon, qui défend avec plus de force (et de talent) qu'Eva Joly l'idée d'une alternative au libéralisme. Ce qui est patent, en tout cas, c'est que les écologistes ont échoué à imposer leurs thèmes dans la campagne alors qu'ils avaient une occasion historique de le faire. Même le jour où Nicolas Sarkozy visite la centrale de Fessenheim, c'est vers François Hollande que les micros se tendent. On peut comprendre que Nicolas Hulot soit encore vert de rage, qu'Eva Joly ait le blues... et que les Verts fassent grise mine.
Ecoutez ci-dessous le "Parti Pris" d'Hervé Gattegno de ce jeudi 9 février 2012 :