Fin des avantages pour les parlementaires? "Ce serait une ploutocratie, le pouvoir aux riches"

Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu a décidé de supprimer, dès 2026, les avantages à vie des anciens Premiers ministres – chauffeur, voiture de fonction et secrétariat particulier - reconnaissant qu'"on ne peut pas demander aux Français de faire des efforts si ceux qui sont à la tête de l’État n’en font pas".
Quid des parlementaires? Pour rappel, l'ancien Premier ministre François Bayrou souhaitait passer au crible et supprimer d'éventuels avantages indus dont bénéficieraient les responsables politiques. Une mission a même été confiée à l'ex-député socialiste René Dosière pour les identifier, en réponse à de nombreux messages de Français.
Un débat vieux d'un siècle
Pour Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire, il s’agit d’un "très vieux débat" qui traverse la République depuis plus d’un siècle. " L’indemnité parlementaire, par exemple, a été instaurée comme une conquête démocratique : elle visait à rendre la fonction politique accessible à des élus issus de toutes les conditions sociales", rappelle-t-il.
Dès 1906, la question du niveau de rémunération des élus avait cristallisé les tensions entre partisans de la nécessaire reconnaissance du mandat et ceux qui dénonçaient un privilège indu. "Ce débat ressurgit aujourd’hui, mais il faut garder en tête qu’en réalité, jamais l’utilisation des moyens parlementaires n’a été autant contrôlée qu’aujourd’hui", insiste Arnaud Benedetti.
"Antiparlementarisme dangereux"
Le coût réel de ces avantages reste limité. Selon les données gouvernementales, les chauffeurs, véhicules et secrétariats mis à disposition des anciens Premiers ministres ont représenté 1,58 million d’euros en 2024. La protection policière, évaluée à 2,8 millions d’euros par an, constitue l’autre poste de dépense. Autant dire une goutte d’eau au regard des 44 milliards d’économies que François Bayrou avait tenté de trouver pour 2026, avant sa chute.
"Jeter en pâture les représentants politiques en les désignant comme des privilégiés" nourrit un antiparlementarisme dangereux, qui a historiquement ouvert la voie aux dérives autoritaires, regrette Périco Légasse.
"Vivre pour la politique signifierait que seuls ceux qui ont assez d’argent à côté pourraient se le permettre. Ce serait alors une ploutocratie : le pouvoir aux riches, aux rentiers", analyse Pierre Rondeau
À l’inverse, l’économiste Pierre Rondeau juge légitime que les élus soient rémunérés correctement pour un métier exigeant. "Je préfère avoir un diplômé de grande école qui vote des lois plutôt que des personnes qui n'ont pas le niveau", affirme-t-il, ajoutant qu’il ne serait "pas choqué que la rémunération soit même augmentée". Mais il nuance : "Sur tout ce qui touche aux frais de représentation et aux enveloppes parlementaires, il faut un contrôle strict."
Les Français exigent de plus en plus de probité
Si l’économie réalisée est modeste, l’impact symbolique est majeur. Le nouveau Premier ministre, contesté dès son arrivée à Matignon, cherche à restaurer un lien avec une opinion publique méfiante. "On assiste à un décalage croissant entre la vie politique et la vie réelle des Français", a-t-il reconnu.
Pour Arnaud Benedetti, cette exigence accrue de transparence et de probité va de paire avec le climat social ambiant. Mais il met en garde : "Comparons avec les États-Unis : les parlementaires y disposent de staffs considérables et de conditions de travail bien plus confortables" et appelle, sur ce domaine, à être "mesuré et raisonnable".