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François Hollande est plus inquiet qu’il ne le dit

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, du lundi au vendredi à 8h20 sur RMC.

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"Aucune voix ne doit manquer", a dit mercredi soir François Hollande, en meeting à Marseille. Il appelle au vote utile en sa faveur face à la remontée de Nicolas Sarkozy dans les sondages. Mais il est plus inquiet qu'il ne veut le montrer...

Officiellement, François Hollande ne s'occupe pas des sondages. Il croit juste savoir qu'ils lui sont favorables, mais bien sûr, ce n'est pas son problème. Donc, naturellement, ça ne le préoccupe pas du tout que la courbe d'intentions de vote pour Nicolas Sarkozy ait tendance à grimper et que la sienne ait tendance à baisser. Ce n'est donc pas pour cela que son entourage se gratte la tête pour savoir s'il faut durcir le ton ou lancer de nouvelles idées, alors qu'il a dit qu'il n'ajouterait rien à ses 60 propositions. La réalité, c'est évidemment l'inverse. Il y a une inquiétude dans le camp Hollande. Le candidat est (de nouveau) saisi d'un doute. Il voit bien que son avance est en train de fondre - même si elle est grande. Il se demande s'il n'a pas commis la même erreur que Nicolas Sarkozy envers lui il y a un an : sous-estimer l'adversaire.

Pourtant, il a fondé l'essentiel de sa campagne sur le rejet de Nicolas Sarkozy. Cela veut dire que ça ne suffit plus ?

L'anti-sarkozysme reste son meilleur atout. Toutes les enquêtes d'opinion le montrent : la motivation première du vote Hollande, c'est la volonté de battre Nicolas Sarkozy. C'est un vote de sanction plus qu'un vote d'adhésion. Jusqu'ici, il s'est largement contenté de surfer sur cette vague de rejet. Il a livré son projet en une fois et, depuis, on ne peut pas dire qu'il approfondisse. Quelles mesures parmi celles qu'il propose ont marqué l'opinion ? Les 60 000 postes d'enseignant qu'il veut créer - même si pas grand monde n'y croit - et la taxe de 75 % sur les "super-riches" - qui est plus symbolique qu'efficace. Il ne fait pas campagne sur l'économie, mais à l'économie. Mais, dans une campagne, il y a toujours un moment où l'électeur récompense l'énergie, la créativité. Visiblement, c'est ce dont profitent Nicolas Sarkozy et Jean-Luc Mélenchon. Pas François Hollande.

Hier mercredi, à Marseille, il a rappelé le souvenir du 21 avril. Est-ce que ce risque peut exister pour François Hollande ?

Bien sûr que non. Marine Le Pen paraît trop loin pour espérer accéder au second tour et on ne voit pas comment François Hollande pourrait, lui, ne pas y figurer. Mais le fait d'invoquer le traumatisme de 2002 en dit long sur l'inquiétude des socialistes ces jours-ci. Le risque, c'est celui d'une démobilisation qui s'installerait à la fois à cause du manque d'allant du candidat socialiste et aussi parce que l'élection pourrait sembler déjà gagnée. De ce point de vue, les petits accès d'autosatisfaction de François Hollande et les jeux de cour de plus en plus visibles autour de lui ne peuvent que le desservir. Chaque fois qu'il a baissé dans les sondages depuis deux mois, c'est Jean-Luc Mélenchon qui en a profité. Et on peut penser que les critiques de Nicolas Sarkozy sur les failles de l'Europe renforcent, par symétrie, la demande de protectionnisme qui monte à gauche. En ce moment, l'électorat de gauche préfère la radicalité façon Mélenchon que le radicalisme à la sauce hollandaise.

François Hollande est sur France 2 ce jeudi soir. Qu'est-ce qu'il doit corriger pour conjurer ce risque ?

La réponse est toujours la même. Il doit faire la clarté sur ses intentions, préciser ce qu'il veut réellement - par exemple, sur les retraites, sur son grand projet de réforme fiscale qui ne ressemble plus qu'à une réformette. Et dissiper l'impression qu'il élude les chiffres et qu'il joue sur les mots. Son livre-programme s'appelle Changer de destin. Il aurait surtout intérêt à changer de braquet.

Hervé Gattegno