Gifle de François Bayrou à un enfant en 2002: "Bétharram change la perception de ce geste"

"Tu ne me fais pas les poches!" Le 9 avril 2002, à Strasbourg, François Bayrou se retourne et assène une gifle à un enfant âgé d'une dizaine d'années. Celui qui est encore député européen et président de l'UDF (ancêtre du MoDem) accuse le jeune garçon d'avoir voulu lui soutirer son portefeuille.
À l'époque, la séquence fait le tour du pays mais profite dans l'ensemble à l'homme politique alors en pleine campagne présidentielle (le premier tour a lieu le 21 avril suivant). Il récoltera 6,84% des suffrages.
"Moment extrêmement tendu"
23 ans plus tard, celui qui est devenu Premier ministre ne s'attendait pas forcément à en reparler devant une commission d'enquête parlementaire. Et pourtant ce fus le cas mercredi 14 mai.
Car le scandale de violences physiques et sexuelles au sein de l'établissement privé catholique de Bétharram est passé par là. Le maire de Pau est accusé d'avoir eu connaissance, dès les années 90, des faits qui avaient lieu au sein de l'institution, et d'avoir sciemment décidé de les faire passer sous silence, ce qu'il conteste.
Lors de son audition face à la commission d'enquête, le corapporteur Paul Vannier, député LFI, évoque la gifle donnée en 2002: "Je voudrais vous interroger sur votre rapport à la violence faite aux enfants", a-t-il entamé, évoquant dans sa question une "conception éducative de la gifle" dont François Bayrou paraîtrait "encore emprunt aujourd’hui".
"Je suis certain que cette scène a été bruitée par les télévisions", croit savoir François Bayrou
"Il est vrai qu'à Strasbourg en 2002,dans un moment extrêmement tendu, je suis en campagne présidentielle, je suis savec la maire de Strasbourg, la mairie se trouve lapidée par un petit groupe de militants islamistes", commence par répondre le Premier ministre.
"Nous descendons. Je me suis confonté à ce petit groupe [...] En vérifiant mes poches, je trouve la main d'un petit garcon. Je lui ai donné une tape, pas une claque, ce n'était pas quelque chose de brutal. Je suis d'ailleurs certain que cette scène a été bruitée par les télévisions à l'époque", accuse ainsi François Bayrou.
"Une tape de père de famille, un geste éducatif"
Le président du MoDem poursuit sa défense: "Ce n'était pas du tout une claque violente mais une tape de père de famille, un geste éducatif. J'ai dit au père 'Si mon fils vous avait piqué votre portefeuille, j'aurais parfaitement compris que vous l'ayez ainsi remis dans le droit chemin. Je le maintiens encore aujourd'hui. Ce n'est pas conforme au canon mais c'est la vérité de la vie!"
"ll y a donc pour vous des tapes éducatives et des claques non violentes. Je crois que ce sont des éléments importants qui vont nous accompagner dans la suite de cette audition", a rétorqué Paul Vannier.
La gifle "peut lui nuire en 2025. Les moeurs ont changé, on ne porte pas la main sur un enfant, quelle que soit la raison", commente ce jeudi sur RMC Philippe Moreau-Chevrolet, professeur de communication à Sciences Po. Si à l'époque, "la signification était un geste d'autorité et de fermeté, apprécié par une partie de l'opinion", il "choquerait énormément de gens" aujourd'hui, selon lui.
Une gifle qui pourrait être perçue comme une "tolérance de la violence sur les enfants"
"On l'accuse d'avoir couvert des faits de violences graves sur des enfants. On se demande si derrière ce geste, il n'y avait pas une banalisation ou une tolérance pour la violence sur les enfants. Ça change la perception de ce geste qui a contribué fortement à François Bayrou", développe au micro d'Estelle Midi Philippe Moreau-Chevrolet.
Pour rappel, la fille de François Bayrou, Hélène Perlant, a témoigné avoir été victime elle aussi de violences au sein de l'établissement Bétharram, sans le prévenir. Elle affirme cependant que son père a rencontré le juge Mirande en 1998, lui intimant de "de ne surtout pas le répéter" afin de "rester dans le secret de l'instruction".
Philippe Moreau-Chevrolet concède toutefois qu'une partie de l'opinion pourrait se ranger derrière lui si un tel geste était de nouveau donné en 2025: "Aujourd'hui, une partie de l'opinion, sur un mode populiste, est en colère, a envie de violence. Il y a un goût de la violence qui se développe qui est assez préoccupant", souligne l'enseignant.
Au lendemain de l'audition de François Bayrou, Paul Vannier a relevé de la part du Premier ministre une "stratégie de digression, de confusion, où il a accumulé un certain nombre d'éléments, il faudra, après ces 5h30, prendre le temps de les regarder un par un", a expliqué le député, retenant "un enseignement important: oui, François Bayrou a menti à l'Assemblée nationale".
Le Premier ministre a adopté une "stratégie trumpiste"
"François Bayrou a adopté une stratégie trumpiste, très populiste, pour dire que LFI le pourchassait dans une affaire non pas morale mais politique. Cela a fonctionné en partie car on parle plus de ça que du fond de l'affaire", analyse de son côté Philippe Moreau-Chevrolet. "Si Emmanuel Macron veut le débrancher, il pourra le faire sans trop de douleurs, il suffira de dire qu'il s'est très mal sorti de cette affaire, ce qui est vrai", conclut l'enseignant à Sciences Po.