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Juppé "Monsieur Précision", Sarkozy et la "violence contenue": ce que raconte la gestuelle des candidats

Les sept candidats à la primaire de la droite et du centre

Les sept candidats à la primaire de la droite et du centre - PHILIPPE WOJAZER / POOL / AFP

Ce jeudi, les candidats à la primaire de la droite et du centre s'affrontaient lors d'un premier débat. Un rendez-vous analysé pour RMC par Stephen Bunard, spécialiste du langage corporel. Pour lui, comme pour les Français, le plus convaincant a été Alain Juppé.

Stephen Bunard est synergologue, auteur de "Leurs gestes disent tout haut ce qu'ils pensent tout bas" (Ed. First, 2014).

Alain Juppé: "Monsieur Précision en action"

"Il a été plutôt tonique. Alain Juppé est un émotionnel qui se réprime. Il n'est jamais aussi bon que quand il fend l'armure, qu'il montre de l'énergie. C'était très visible dans sa conclusion. On voit ça à des gestes élevés. Il y a une bascule entre la main gauche, celle de la spontanéité, et la main droite, celle de l'explication. Il roule parfois un petit peu ses yeux. C'est pour nous convaincre. Il fait des appels de phare quand ça lui paraît vraiment très important et qu'il a peur de ne pas convaincre.

Il a aussi beaucoup de mains en pince, quand l'index et le pouce se rejoignent. C'est M. Précision en action. Face à d'autres qui sont plus centrés sur l'opinion, il donne l'image de quelqu'un qui est beaucoup dans les chiffres, l'analyse, le sérieux. 

Il y a eu un moment assez drôle dans le débat, quand les emplois fictifs ont été évoqués. Il s'est tenu le lobe de l'oreille. On fait ça quand on cherche à être vigilant sur les mots qu'on va entendre de nous. Cela montre que c'est une histoire qui n'est pas encore résolue dans sa tête. C'est le petit caillou dans la chaussure."

Nicolas Sarkozy: "Il n'a pas réussi à imposer l'image de patron"

"Il a été égal à lui-même, avec cette forme de violence contenue. Au début, il avait un peu d'énergie inquiète. Très tôt, son corps bascule vers l'avant. Il y aussi beaucoup de mains en pince, comme un donneur de leçons, les sourcils froncés… C'est comme s'il s'était dit qu'il allait prendre une posture solennelle et que les leçons allaient pleuvoir. Il a souvent la tête relevée. Ça c'est le truc de l'arrogant, du patron. Et puis, il bout sur place. Quand les autres parlent, sa bouche n'arrête pas de bouger, il a envie de parler, ses épaules bougent. Chez lui, c'est la volonté d'être à la hauteur.

Dans la deuxième partie du débat, ces traits de caractère ressortent beaucoup plus. Le corps va plus vers l'avant et surtout vers la droite, ce qui démontre de la rigidité. Les épaules bougeaient pour nous convaincre, les sourcils s'agitaient… La machine Sarkozy se mettait en branle. Mais, je ne l'ai pas trouvé tellement différent de d'habitude alors qu'il aurait gagné à être différent sur le plan comportemental.

A noter aussi que, souvent, en fin de phrase, il jetait la main en arrière. C'est le petit côté 'c'est comme ça et ça ne discute pas. C'est moi le patron'. Mais il n'a pas réussi à imposer cette image de patron."

Nathalie Kosciusko-Morizet: "Elle a été ringarde"

"On est dans la grosse ficelle de la communication. Je me demande comment on peut vouloir incarner la modernité et la féminité en étant aussi ringard. La chose positive c'est qu'elle montre souvent son profil gauche, c'est la recherche de lien avec l'autre. Elle cligne aussi beaucoup des yeux quand elle écoute. C'est une tête bien faite, toutes les possibilités de répondre s'offre à elle. Il y a aussi l'axe translationnel: le cou est vers l'avant, elle veut vraiment convaincre.

Mais cette façon de regarder la caméra, comme Bruno Le Maire d'ailleurs, de dire 'Mes chers compatriotes'… On avait l'impression d'un mauvais spot de pub. On voit vraiment à l'œuvre les conseils à la papa des communicants. Ca a un côté tragique et vexant par rapport aux gens qui regardent. De penser qu'ils peuvent encore tomber là-dedans. C'est grave et c'est dommage parce que du coup on ne voit plus ce qu'elle peut nous offrir de sincère. Elle a pourtant naturellement une capacité à séduire par sa présence, son élégance. Mais tout cela a été mal canalisé".

François Fillon: "C'était Droopy isolé dans son coin"

"On avait parfois l'impression qu'il tournait le dos à ses concurrents. C'était Droopy isolé dans son coin. Sur le plan comportemental, autant Sarkozy relève la tête, autant lui il avait constamment la tête penchée, en retrait complet. Il a fait beaucoup de petits sourires en coin, sur la gauche, notamment quand les conflits sont évoqués par Copé ou Sarkozy. C'est très paradoxal parce qu'à côté de ça, il était parfois en confiance. Ça se voit quand sa langue sort vers la gauche, c'est quand on est un peu dans la taquinerie.

La main gauche était aussi très présente. C'est la main de la spontanéité. Les choses sont importantes pour lui. Il avait aussi la main en boule, quand les doigts se rejoignent, un peu comme les Italiens. Ça c'est la main de l'implication. On avait l'impression de quelqu'un qui répondait à une interview mais tout seul. Il y avait énormément de retrait. Il a pris sur lui.

Quand il rend hommage à Sarkozy sur la burqa, on sent bien que c'est plus fort que lui. Il se grattait le cou. Ça lui coûte vraiment de le faire, de dire un truc pareil".

Jean-François Copé: "Egal à lui-même en version ++"

"C'était sûrement le plus détendu. Lui aussi était égal à lui-même mais un peu en version ++ par rapport à d'habitude. Il avait les sourcils très expressifs, qui bougent. Il y avait aussi un relâchement des paupières, l'œil mi-clos ce qui veut dire qu'il était détendu. Bon équilibre de la main gauche et de la main droite, entre je veux convaincre et je suis spontané.

Il n'a pas le même aplomb que Sarkozy mais il est très détendu, très serein. Il a une très, très bonne gestion émotionnelle par rapport à Sarkozy. Il n'est jamais dans l'agressivité. Il va même arrondir les angles avec Fillon. Sur la question de Bygmalion, soit il est beaucoup plus sincère que ce que l'on croit, soit il a une très grande capacité à mentir. Il n'y a pas de juste milieu".

Bruno Le Maire: "Il a le syndrome Bayrou"

"C'est marrant parce que les deux plus jeunes nous font les plus grosses ficelles. J'enlève la cravate, je regarde la caméra, je m'adresse aux Français les yeux dans les yeux… Ce sont des recettes un peu éculées. Mais c'était quand même mieux fait que NKM. La chose assez marquante chez lui, c'est qu'il cligne assez peu des yeux. Ce qui montre qu'il est concentré. Mais cela donne aussi l'impression qu'il a l'esprit ailleurs.

Il fait aussi peu de mouvements de sourcils. Ce qui veut dire que tout ce qu'il dit est égal. C'est comme s'il ne donnait pas de relief à ce qu'il raconte. Ce n'est pas un robot mais il a des mécanismes de contrôle émotionnel très forts. On retrouve un peu ça chez François Bayrou, sauf que chez Bayrou c'est dû au fait que c'est un ancien bègue".

Jean-Frédéric Poisson: "Il a pris sa part dans le débat"

"Au départ, dans son introduction, il montre la partie droite de son visage. Il est donc dans l'analyse, la distance. Il penche la tête à droite, c'est la vigilance. Dans sa conclusion, finalement, il nous regarde avec son profil gauche. Il est dans le lien. Cette photo de départ et cette photo d'arrivée traduisent la façon dont il a évolué lui-même dans sa tête. Il a pris sa part dans le débat.

Il y a beaucoup de main droite ce qui est normal car il était en situation de devoir être plus pédagogique que les autres. Mais il n'y a pas eu de micro-démangeaisons qui auraient pu trahir le fait qu'il soit tendu. Je ne l'ai trouvé ni stressé, ni en sur-adaptation par rapport aux autres. Il était parfois un peu agacé ce qui se voyait à sa bouche. Mais il a plutôt fait bonne figure".