La démission de Squarcini ? Trop... ou pas assez

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno, tous les matins à 8h25 sur RMC. - -
Il y a d’abord l’argument classique – ce qui ne veut pas dire qu’il est mauvais : la présomption d’innocence. Même le directeur du contre-espionnage ne doit pas être tenu pour coupable tant qu’il n’est pas condamné. Sur le fond, Bernard Squarcini ne nie pas avoir demandé les « fadettes » d’un journaliste. Mais il le justifie par la nécessité de vérifier qu’un conseiller du ministère de la Justice divulguait des informations couvertes par le secret. La question est de savoir si ce cas précis peut être ou non considéré comme une des exceptions prévues par la loi sur la protection du secret des sources des journalistes. C’est à la justice de le trancher. Pour l’instant, ça reste une question.
Il n'empêche qu'un service de police a enquêté sur les sources d'un journal dans une affaire qui embarrassait le gouvernement.
C’est effectivement une affaire qui touche aux principes démocratiques. Simplement, il faut être honnête : à ce stade, la démission du chef de la DCRI ne règlerait rien. Elle pourrait même être un facteur de confusion. Si ce haut fonctionnaire a violé la loi de son propre chef, il a commis une faute grave et le gouvernement doit le limoger (ou le suspendre) tout de suite. S’il ne le fait pas – et tout indique qu’il n’en a pas l’intention –, on ne peut qu’en déduire qu’il avait reçu des instructions. Dans ces conditions, on peut reprocher à Bernard Squarcini d’avoir exécuté un ordre, disons contestable. Mais on comprend bien que le gouvernement ne veuille pas lui couper pas la tête.
Est-ce qu'il ne bénéficie pas de sa proximité personnelle avec le président de la République ?
La relation avec Nicolas Sarkozy est sûrement un atout pour être nommé. Vis-à-vis de la justice, c’est plutôt un handicap. Sans vouloir minimiser certaines outrances, du pouvoir actuel, c’est tout sauf une première que l’Elysée choisisse et traite en direct avec les chefs de la police et les services secrets. D’une façon générale, c’est aussi une dérive du présidentialisme qui fait qu’un principe d’irresponsabilité irradie l’ensemble de notre système de pouvoir. En bonne logique démocratique, quand l’administration commet une faute grave, c’est le ministre qui doit l’assumer et en payer le prix. Mais en France, il y a longtemps que les politiques ont pris l’habitude de faire porter le chapeau à des hauts fonctionnaires. Seulement l’irresponsabilité est si bien installée que maintenant, les hauts fonctionnaires refusent de démissionner – et donc, plus personne n’est responsable de rien.
La justice travaille-t-elle librement dans cette affaire ?
Disons que c’est un point positif. Mais il ne faut pas être dupe : trois corporatismes sont aux prises dans ce dossier – journalistique, judiciaire et policier. La presse ne veut pas qu’on cherche ses sources, même si elles violent leurs obligations ; la justice protège un ou plusieurs des siens (parce que les informations publiées par Le Monde étaient bien d’origine judiciaire) et les policiers ne voudraient pas porter seuls un képi un peu large. Dans cette affaire, personne ne défend les principes. Tout le monde défend ses intérêts. Ça n’est à l’honneur de qui que ce soit.
Ecoutez ci-dessous le "Parti pris" de ce Mercredi 19 octobre 2011 avec Hervé Gattegno et Jean-Jacques Bourdin :